25 Oct France Sud- GABARIT eng
ISBN N°
Atlas des Petites îles de la Méditerranée
SOUS-BASSIN
"France Sud"
Rédigé par : Frédéric MEDAIL (IMBE), Marion FOUCHARD (IMBE), Philippe PONEL (IMBE)
Date de création : 6 Avril 2019
Secteurs insulaires | Iles retenues pour les fiches |
---|---|
Golfe de Marseille et Calanques
(ex “Côte Bleue et Calanques”) |
Frioul, Riou
Château d’If ? |
Golfe de la Ciotat, Embiez et Cap Sicié
(ex. “Embiez”) |
Ile Verte, Embiez, Grand Rouveau
Bendor ou Grand Gaou ? |
Îles d’Hyères | Port-Cros, Bagaud |
Côte des Maures
(ex “îles d’Hyères” pro parte, et “Cap Taillat”) |
Brégançon
îlot des Portes ? |
Côte de l’Estérel
(ex. “îles de Lérins” pro parte) |
Les Vieilles
Lion de Terre ? |
Îles de Lérins (sensu stricto) | St-Honorat, Ste-Marguerite |
1.1. Caractéristiques environnementales(géographie/physiographie, géologie/origine, climat)
Le sous-bassin “France Sud” comporte 90 îles et îlots, dont 5 artificiellement reliés au continent ou à une île plus vaste (Fouchard, 2013), localisées le long des côtes de Provence et Côte d’Azur. Ces îles se distribuent selon un net gradient longitudinal (entre XX et XX), depuis les petits îlots de la Côte Bleue, à l’ouest de Marseille, jusqu’à l’îlot de l’Isoletta dans les Alpes-Maritimes (Eze-sur-Mer) aujourd’hui relié au proche continent. L’archipel hyèrois se localise au Sud du 43° parallèle, soit à la latitude du Cap Corse.
La surface totale des îles provençales ne représente que 3961 ha, et la plupart de ces entités insulaires sont de faible superficie puisque 54% des îles ont une surface inférieure à 1 hectare. Seuls 9 îlots ont une surface comprise entre 1 et 10 ha, 6 îles ont une surface comprise entre 10 et 50 ha, 5 îles ont une surface comprise entre 50 et 100 ha et seulement 4 îles possèdent une plus grande superficie (Sainte-Marguerite : 171 ha ; Port-Cros : 627 ha ; Le Levant : 1001 ha ; Porquerolles : 1278 ha). Il existe trois principaux archipels, le plus vaste étant celui des îles d’Hyères (surface totale : 2961 ha), puis l’ensemble des îles de Marseille (archipels du Frioul et de Riou : 383 ha) et les îles de Lérins (250 ha). Les fonds marins qui les entourent présentent un bathymétrie de plus de 100 mètres de fond dès que l’on s’éloigne des iles.
Le relief de ces petites îles demeure modeste et l’élévation maximale ne dépasse une centaine de mètres d’altitude seulement sur les îles de Port-Cros (196 m), Riou (191 m), Porquerolles (142 m), Le Levant (140 m) et Maïre (139 m). Toutefois, leur topographie est généralement tourmentée et seules quelques îles parmi les plus grandes (Porquerolles, Ste-Marguerite, St-Honorat, Embiez) possèdent des plaines significatives, qui ont été cultivées depuis des siècles.
L’isolement géographique de ces îles est aussi peu prononcé puisque la majorité des îles sont distantes de moins de 500 mètres de la côte ou d’une île plus grande. Les îles les plus éloignées sont Le Levant situé à 9,1 km de la côte, l’îlot du Planier situé à 8,8 km et Port-Cros à 8,5 km.
La géologie de ces îles est très contrastée, et elle se compose, pour la moitié des îles, de roches sédimentaires calcaires du crétacé ou du jurassique qui prédominent sur les archipels de Marseille et de dolomies sur les îles de Lérins, tandis que la plupart des îles de la côte varoise ont un substratum de nature siliceuse (micaschistes, gneiss, phyllades, rhyolithes). Les côtes sont essentiellement rocheuses et les plages, peu fréquentes hormis sur la côte nord de Porquerolles, se limitent à quelques petites criques.
D’origine continentale, les îles de Provence ont été isolées à une date récente puisqu’encore rattachées au proche continent lors de l’ultime régression marine du Würm. En effet, lors des maximums glaciaires du Pléistocène, qui se sont produits tous les 100 000 ans, dont le plus récent, celui de la glaciation würmienne (LGM : Last Glacial Maximum ; ca. 20 000 ans BP), le niveau de la mer s’est abaissé de 100 à 150 m au dessous du niveau actuel (Lambeck et Bard, 2000). Une telle régression marine a été largement suffisante pour découvrir l’essentiel du plateau continental situé actuellement vers -150 m de profondeur et relier ces îles au continent. Ce véritable ‘yo-yo’ île–continent (et vice-versa) s’est produit une trentaine de fois au cours du Pléistocène, de sorte que ces îles provençales ont été plus longtemps continentales qu’îliennes. Des paléorivages immergés ont été décelés à -100 m au Dryas ancien (env. 14000 BP) selon Collina-Girard et al. (1996). Ces terres ne sont redevenues insulaires qu’avec la remontée des eaux durant la transgression marine holocène versilienne, soit vers 11 000-12 000 BP pour les grandes îles d’Hyères. Toutefois, des îles actuellement séparées de la côte par l’isobathe de –50 mètres devaient être, comme l’archipel de Riou, encore reliées au continent au Boréal (8500-9000 BP).
Les données climatiques insulaires sont peu nombreuses, seulement disponibles pour quelques grandes îles et souvent de façon parcellaire. La moyenne des températures annuelles est comprise entre 15 et 18°c, et la moyenne des minima du mois le plus froid de l’année (m) est en général supérieure à 5°c, ce qui permet d’inclure ces îles en majorité dans l’étage bioclimatique thermo-méditerranéen, ou dans l’étage méso-méditerranéen inférieur pour les îles de Provence occidentale. Mais même dans la partie la plus froide de la région (îles de Marseille), les températures hivernales restent clémentes, de l’ordre de 8 à 9°C entre décembre et février, mois les plus froids de l’année. L’influence marine explique que les moyennes des températures minimales s’abaissent rarement sous les 2°C.
Le long des côtes provençales, la pluviomètrie augmente selon un net gradient Ouest – Est, et il est possible de distinguer trois grands secteurs littoraux en fonction des précipitations annuelles moyennes (P.ann.) établies sur une période de 35 ans : (i) le littoral occidental, depuis le golfe de Marseille jusqu’à Toulon (P.ann. = 609 mm) ; les Maures, depuis l’est de Toulon jusqu’à St-Raphaël (P.ann. = 858 mm) ; la Côte d’Azur, depuis St-Raphaël jusqu’à Menton (Pann. = 909 mm). Pour l’ensemble de la région littorale, le régime pluviométrique est de type AHPE, avec une saison sèche débutant en général fin mai et s’étendant jusqu’à septembre, voire octobre. Sur les îles, les situations climatiques sont plus contrastées, car elles varient selon la situation d’abri ou non de l’île considéré, mais le cumul des précipitations est plus faible en situation insulaire, par rapport à la zone continentale la plus proche. Sur l’archipel du Frioul (Marseille), la station de Pomègues est classiquement considérée comme le pôle absolu de xéricité en France : elle se situe en bioclimat aride (P.ann. en moyenne de l’ordre de 330 mm), mais les pluies peuvent être bien plus faibles certaines années (P.ann. = 173 mm, en 2008). Les îles plus orientales du Var et des Alpes-Maritimes possèdent une pluviométrie annuelle bien supérieure : Porquerolles (Pann. = 659 mm) et Le Levant (Pann. = 776 mm) se positionnent en bioclimat sub-humide et l’île Sainte-Marguerite (Pann. = 875 mm) en bioclimat humide inférieur. Mais comme ailleurs en Méditerranée, il faut souligner l’extrême irrégularité des précipitations inter-annuelles qui peuvent varier d’un facteur de 2 à 3 d’une année à l’autre.
Les îles provençales sont le plus souvent très exposées aux vents et des facteurs comme le régime et la force des vents, ont une influence majeure sur la dynamique du tapis végétal et donc sur les écosystèmes terrestres. Les îles de Provence occidentale, depuis les îlots de la Nerthe jusqu’à ceux du Cap Sicié près de Toulon, sont particulièrement exposées au Mistral (vent de secteur nord-ouest) et à l’Eisserò (vent de sud-est), sans compter les « coups de Labé » (vent de sud-ouest). Par exemple, sur le Frioul, aucun jour de vent calme (vent < 5 km/h) n’a été noté en 2008, tandis que 129 jours de vent fort (vent > 30 km/h) ont été enregistrés. Plus à l’Est, les îles de la côte varoise et des Alpes-Maritimes sont bien davantage soumises au vent du Levant, un vent d’Est parfois très violent qui apporte les pluies venant du golfe de Gênes.
L’abondance des précipitations occultes doit jouer un rôle de tout premier plan dans la structuration de la biodiversité, en permettant de limiter la sécheresse atmosphérique et édaphique. On estimeainsi l’humidité atmosphérique moyenne annuelle sur les îles d’Hyères à 80%, facteur qui peut expliquer la présence de mousses et lichens très exigeants en humidité et caractéristiques des climats océaniques. Sur les îles de Marseille, plus soumises à l’action desséchante du Mistral, l’humidité relative de l’air est en moyenne légèrement inférieure à 70%.
L’étude bioclimatologique des îles de Provence reste cependant à réaliser, afin de mieux évaluer la magnitude et les gammes de variations microclimatiques aux échelles régionales et locales et leurs influences sur la structure et la dynamique de la biodiversité.
L’abondance des précipitations occultes doit jouer un rôle de tout premier plan dans la structuration de la biodiversité, en permettant de limiter la sécheresse atmosphérique et édaphique. On estime ainsi l’humidité atmosphérique moyenne annuelle sur les îles d’Hyères à 80%, facteur qui peut expliquer la présence de mousses et lichens très exigeants en humidité et caractéristiques des climats océaniques. Sur les îles de Marseille, plus soumises à l’action desséchante du Mistral, l’humidité relative de l’air est en moyenne légèrement inférieure à 70%. L’étude bioclimatologique des îles de Provence reste cependant à réaliser, afin de mieux évaluer la magnitude et les gammes de variations microclimatiques aux échelles régionales et locales et leurs influences sur la structure et la dynamique de la biodiversité.
1.2. Contexte écologique et patrimoine naturel
Domaine terrestre (végétation et flore / faune vertébrée / faune invertébrée)
Le gradient pluvio-thermique croissant d’Ouest en Est et la nature du substratum géologique sont pour une bonne part responsables de la structure variée du couvert végétal, et des disparités de richesse et de composition en espèces entre les différents archipels de Provence. Il est possible de distinguer trois grands ensembles écogéographiques : les îles occidentales calcaires, les îles siliceuses de la côte varoise et les îles de Lérins dont la nature surtout dolomitique du substrat explique l’originalité de la végétation. A ces facteurs environnementaux, se superposent des influences biogéographiques différentes entre la partie occidentale et la partie orientale du sous-bassin. Les îles occidentales calcaires sont peuplées par des éléments ibéro-provençaux en limite nord-est de distribution, tandis que les îles siliceuses du Var abritent des taxons tyrrhéniens remarquables sur le plan biogéographique, car endémiques ou à distribution partagée avec la Corse, la Sardaigne, l’archipel toscan ou les Baléares. Par contre, l’influence ligure n’est guère perceptible sur les peuplements terrestres, y compris sur les îles de Lérins, les plus orientales de la dition.
Sur la frange littorale rocheuse battue par les vagues, la structure des écosystèmes diffère assez peu selon les îles et se caractérise par des végétaux pérennes. La ceinture de végétation halophile est composée de deux Saladelles endémiques (Limonium pseudominutum présent depuis la Côte Bleue jusqu’au cap de Saint-Tropez, et relayé, plus à l’est, par son vicariant écologique, le Limonium cordatum), accompagnées de taxons typiques de ces rochers jouxtant la mer (Crithmum maritimum, Lotus cytisoides subsp. cytisoides, Halimione portulacoides …).
Sur les pentes terreuses et en situation un peu plus interne, se rencontrent des pelouses denses à graminées vivaces halophiles, en particulier Dactylis glomerata, Sporobolus pungens, Elytrigia ; l’Ail à fleurs aiguës (Allium acutiflorum), endémique du littoral liguro-provenço-corse, y comporte souvent de belles populations. Ces « prés maritimes suspendus » sont souvent très concurrencés par les Griffes-de-sorcière Carpobrotus spp.
Diverses formations arbustives basses, halorésistantes, intercalées entre la ceinture littorale formée de végétaux halophiles et les formations pré-forestières et forestières plus internes, peuvent être distinguées :
– Sur calcaire, les formations halorésistantes arbustives, en nette régression, se caractérisent par Astragalus tragacantha, Plantago subulata, Pallenis maritima, Thymelaea tarton-raira et T. hirsuta.
– Le matorral à Passerine hérissée Thymelaea hirsuta et à Barbe-de-Jupiter Anthyllis barba-jovis est présent sur les îles siliceuses, entre 5-10 m et 20 m d’altitude mais parfois plus haut si les zones fortement soumises aux embruns.
– La juniperaie littorale à Genévrier rouge Juniperus phoenicea subsp. turbinata peuple fréquemment les pentes rocailleuses soumises aux embruns, aussi bien sur silice que sur calcaire, en mosaïque avec des matorrals d’arbustes sclérophylles et thermophiles (Olea europaea, Pistacia lentiscus, Phillyrea angustifolia, Myrtus communis…).
Intercalées dans les communautés précédentes, des formations herbacées rudérales sont en expansion dans les secteurs de nidification ou de reposoir des oiseaux marins (notamment les Goélands leucophée) qui piétinent la végétation initiale et enrichissent les sols en composés organiques. Certains végétaux, qualifiés d’ornithocoprophiles, tels que le Séneçon à feuilles de marguerite Senecio leucanthemifolius et diverses Frankénies(Frankenia spp.), résistent à ces perturbations et sont abondants sur certaines îles comme le Grand Rouveau, La Gabinière ou l’île Plane, accompagnées de diverses rudérales plus ubiquistes. Le groupement à Lavatère arborescente (Malva dendromorpha), présent sur les substrats assez profonds, à teneur élevée en nitrates et phosphates, connaît aussi un fort développement sur les îles abritant des colonies d’oiseaux marins nicheurs (Ratonneau, Plane, île Rousse…).
Les formations arbustives et forestières sont structurées différemment selon les îles. Les îles de Provence calcaire, dont les capacités de résilience écologique sont réduites après perturbation, se caractérisent par un couvert arboré réduit à quelques Pinus halepensis, Tamarix gallica, Ficus carica (Riou et Frioul) et Quercus ilex (Riou), fréquemment anémomorphosés. Elles sont couvertes de formations arbustives basses, souvent de type “garrigue en peau de léopard”. Ces garrigues à Rosmarinus officinalis, Pistacia lentiscus, Lonicera implexa, Erica multiflora, Coronilla juncea, Rhamnus alaternus, Cistus albidus, dépassent rarement un mètre de haut, et sont en mosaïque avec des pelouses xériques à Brachypodium retusum et plantes annuelles. Les îles siliceuses de la côte varoise (Embiez, îles d’Hyères et îlots de la côte des Maures) ont un couvert forestier beaucoup plus dense où Pinus halepensis et Quercus ilex dominent en taillis, voire en fûtaies, mais où les essences caducifoliées (Quercus pubescens, Sorbus, Acer) sont très rares ou absentes. Les maquis hauts à ligneux sclérophylles(Arbutus unedo, Erica arborea, Pistacia lentiscus, Myrtus communis, Olea europaea var. sylvestris, Phillyrea angustifolia, Rhamnus alaternus, Juniperus phoenicea…) couvrent de grandes étendues, associés localement à des arbustes thermophiles en limite nord d’aire de distribution(Genista linifolia, Euphorbia dendroides, Teucrium marum). Les îles de Lérins (Sainte-Marguerite, Saint-Honorat) présentent aussi des peuplements forestiers de belle venue, dominées par Pinus halepensis, Quercus ilexet aussi Pinus pinea dont l’indigénat restediscuté.
La végétation des rochers, falaises et rocailles non strictement maritimes est restreinte à quelques secteurs des plus grandes îles où existent plusieurs végétaux remarquables sur les îles marseillaises de Riou, Maïre et Pomègues (Asplenium sagittatum, Coronilla valentina, Ephedra distachya), ou sur Porquerolles (Asplenium balearicum, Asplenium marinum).
Les zones humides et marais d’origine naturelle sont très rares, limités là aussi aux îles les plus vastes : sur l’île Ste-Marguerite, une étendue salée de quatre hectares – l’étang du Batéguier – comporte un herbier à Ruppia maritima et Cymodocea nodosa, tandis que les trois grandes îles d’Hyères abritent quelques ruisseaux temporaires à régime d’oued. La végétation des vases salées (sansouires) à salicornes se limite à des formations exigües présentes sur les anciens marais salants des Embiez et sur un îlot artificiel de l’étang du Batéguier.
Domaine marin
1.3. Occupation humaine ancienne et histoire de l’environnement
Des usages épisodiques et variés, de la Préhistoire au XVIIIe siècle
Les principales îles de la côte provençale (Ratonneau, Pomègues, Maïre, Riou, Les Embiez, Porquerolles, Port-Cros, Le Levant, Sainte-Marguerite et Saint-Honorat) ont subi un impact anthropique ancien qui a souvent altéré la structure et la dynamique de ces écosystèmes isolés.
La découverte, en 1992, de la fameuse grotte Cosquer sur le littoral des Calanques de Marseille mis en lumière l’occupation du littoral par les hommes préhistoriques ; ce site préhistorique datant du Paléolithique supérieur, aujourd’hui partiellement immergé, montre que des chasseurs-cueilleurs ont occupé ces lieux durant deux périodes (vers – 27 000 ans et vers – 18 000 ans). L’homme préhistoriquea donc occupé ou fréquenté périodiquementces “îles” provençales (qui étaient encore reliées au continent à cette époque),mais les premières traces restent ténues et ne concernent que les plus grandes îles (Collectif, 2003 ; Pasqualini, 2003, 2013). Sur les îles de Riou et de Maïre (golfe de Marseille), ont été découverts des gisements du Néolithique ancien cardial qui indiquent une présence humaine aux alentours de 5600 avant notre ère, et de l’Age du Bronze.Au Chalcolithique (vers 3000 ans avant notre ère), un habitat sans doute temporaire est mentionné sur l’île de Porquerolles, en arrière de la plage de Notre-Dame.À l’Âge du Bronze, plusieurs sites sont connus sur les îles d’Hyères, à Porquerolles, au Levant et même sur l’îlot de La Redonne située à proximité de la presqu’île de Giens, témoignant d’une fréquentation régulière de ces îles par l’homme. Les îles de Lérins semblent aussi avoir été occupées par l’homme néolithique, mais la première trace d’un habitat humain ne date que du début de l’Age du Fer, au VIe siècle avant notre ère sur l’île Sainte-Marguerite ; à la même époque, existent un habitat avec mobilier indigène sur l’île du Levant (anse du Liserot) et un campement, sans doute de pêcheurs,sur l’île des Embiez.
Dès le début de l’Antiquité, les étrusques etles Massaliotes ou Phocéens (les Grecs de Marseille) occupèrent sporadiquement les îles situées entre Marseille et Hyères.À la fin de la période grecque, ces derniers intensifient leurs présences sur les îles provençales. Ils fondèrent un véritable village à Porquerolles, dans l’anse de la Galère, à la fin du IIe siècle avant notre ère. Cet habitat groupé, relativement urbanisé, a permis le développement d’activités halieutiques et agricoles. La mise au jour d’une aire à battre les céréales, de meules et surtout de terrasses de culture au-dessus du village montre que leurs habitants cultivaient à proximité, céréales, oliviers et amandiers.À Port-Cros, les premières mises en culture datent du Ier siècle avant notre ère et sont plus limitées du fait de la topographie de l’île et n’affectent que, les rares secteurs plats de l’île. De plus petites îles, comme l’Ile Verte (La Ciotat) et l’Ile de la Tour Fondue (Embiez), sont aussi occupées par des habitatshumains restreints. À partir duIer siècle avant notre ère, les Massaliotes installèrent aussi des pêcheries de thon sur les îles de Riou et Plane. Plus à l’Est, sur l’île Sainte-Marguerithe (Lérins), un petit village fait de cabanes alignées le long de ruelles est original, en ce sens qu’il semble être une création indigène et non phocéenne.
La période romaine induit une profonde mutation dans l’occupation des grandes îles provençales (Pasqualini, 2013). À Porquerolles, le village – situé à l’emplacement de l’actuel – se développa et fut occupé à partir de la moitié du Ier siècle avant notre ère jusqu’au début du Ve siècle ; les plaines de l’île subissentalors une forte mise en valeur agricole, avec l’apparition d’une villa à la plaine Notre-Dame. Les études sédimentologiques littorales mettent en évidence de puissants épisodes détritiques survenus durant cette époque gallo-romaine, première phase d’anthropisation des îles d’Hyères. Ces dépôts, fruits d’intenses érosions des sols, attestent non seulement de mises en culture importantes des plaines, mais aussi de déboisements et défrichements des forêts et maquis occupant les versants. Cette mise en valeur des terres les plus favorables est aussi attestée sur l’île Sainte-Marguerite où fut construite, à l’époque augustéenne, une riche villa maritime, à la superficie “disproportionnée par rapport à la surface de l’île” (Pasqualini, 2013).
Durant l’Antiquité tardive, certaines de îles furent encore occupées,dans la continuité des habitats anciens (anse Saint-Pierre de l’Ile Verte, village et plaine Notre-Dame à Porquerolles, Sainte-Marguerite),mais aussi avec la création d’habitats fortifiés sur les hauteurs comme au cap des Mèdes au Nord-Est de Porquerolles, sans doute liés à l’érémitisme insulaire. La majorité de cesîles paraît être désertée après le VIe siècle, probablement à cause de trop nombreuses incursions sarrasines. L’île Saint-Honorat (Lérins) est un cas à part car si l’île était bien connue par les Romains qui la nommaient Planasia selon Strabon ou Lerina selon Pline l’Ancien, l’absence de trace humaine aux IIIe et IVe siècles suggère l’abandon de l’île ; mais, durant les toutes premières années du Ve siècle, l’installation de la communauté monastique par Honorat a du profondément modifier sa structure paysagère, la topographie plate facilitant les mises en cultures, l’extension des vergers, oliveraies et vignobles sur une grande partie de l’île.
Figure X. Localisation de principaux gisements archéologiques connus sur les îles de Provence, depuis l’Age du Bronze jusqu’au Moyen Âge (Pasqualini, 2013).
Domaine marin
Des paysages en mutation au XIXe et XXe sièclesA compléter
Au cours du XIXe siècle, des activités industrielles relativement importantes (usines de soude) ont profondément altéré la végétation de certaines îles (Embiez, Porquerolles, Port-Cros). Ces îles ont également, pour la plupart, un passé militaire, de nombreuses tours de guet ayant été construites, surtout à partir du XIXe siècle. Certaines sont encore des terrains militaires, comme par exemple le Levant, d’autres, qui ne le sont plus, en gardent des vestiges. Actuellement, le déclin des usages agro-sylvo-pastoraux et la protection de certaines îles (parc national de Port-Cros, propriétés de l’Etat à Porquerolles et Sainte-Marguerite) conduisent au développement des matorrals et des ensembles forestiers dominés par les espèces sclérophylles. Toutefois, sur les îles calcaires de Marseille, la déforestation et l’érosion consécutive furent si intenses que les capacités de résilience des communautés végétales sont de nos jours très limitées.
Domaine terrestre
L’occupation humaine permanente des îles de Provence reste limitée et ne concerne que quelques îles, parmi les plus vastes(Tableau 1). L’île de Porquerolles est la seule à posséder un véritable village permanent avec de nombreux commerces, mais Ratonneau (Frioul), Port-Cros, Le Levant ont des infrastructures touristiques (hôtels, restaurants) assez développées, bien plus importantes aux Embiez et à Bendor. D’autres petites îles(Grand Ribaud, Petit Ribaud, Ile d’Or, Château d’If, Endoume), possédent des habitations pérennes qui sontoccupées péridioquement, surtout durant la période estivale. Certaines îles n’offrent qu’un logement marginal, limité à une cabane (Riou, Grand Rouveau, Ile Verte) ou à un phare désafecté (Planier).
Ile (superficie) | Nbr d’habitants permanents | Nbr de lits disponibles | Nbr d’hôtels / centres de vacances | Nbr annuel de visiteurs | Nbr annuel de plaisanciers |
Porquerolles | |||||
Le Levant | |||||
Port-Cros | ≈ 30
(120 durant 7 mois) |
180 000 / 200 000 | 45 000 / 55 000 | ||
Saint-Honorat | |||||
Sainte-Marguerite ? | |||||
Embiez | |||||
Bendor | |||||
Ratonneau (Frioul) |
Les pressions humaines restent globalement modérées, sauf sur certaines grandes îles durant les pics estivaux de fréquentation touristique. Les pressions les plus fortes concernent alors Porquerolles, Port-Cros, la partie accessible au public du Levant (village naturiste d’Héliopolis), les Embiez, Sainte-Marguerite, Saint-Honorat, Bendor et l’île Verte. Les analyses de la capacité de charge sur ces milieux insulairesfragiles restent à développer, mais une première analyse sur l’île de Port-Cros (Parc national) montre qu’au-delà de 1200 à 1500 visiteurs journaliersdébarquant le matin par les navettes, tous les indicateurs de fréquentation et de sécurité publique virent au rouge, voire au noir. Les îles du Petit Gaou et du Grand Gaou (Embiez), reliées au continent et en partie artificialisées, subissent des flux très importants de visiteurs journaliers tout au long de l’année. Dans certains secteurs, ces pressions touristiques mal maîtrisées engendrent des perturbations fortes (piétinement, augmentation des déchets organiques) à des milieux littoraux fragiles et dont les capacités de résilience sont lentes.Le long des sentiers littoraux les piétinements répétés conduisentau tassementet à l’érosion des sols, au déchaussement des systèmes racinaires et à de multiples nécroseschez les plantes pérennes (ex. Limonium pseudominutum, Plantago subulata) dont les capacités de régénération s’amenuisent de manière très significative. Les rares plages et zones dunaires des îles ont connu souvent des altérations significatives de leur biodiversité en végétaux et en insectes, y compris dans des secteurs protégés comme Port-Cros.
Certaines petites îles, proches de la côte et facilement accessibles, ne sont pas épargnées par ces impacts humains directs ; tel est le cas du Lion de Terre et de l’île des Vieilles, sur le littoral de l’Estérel, soumises à des occupations temporaires par quelques individus marginaux qui campent et rejettent mégots et autres déchets au plus fort de l’été. Le Grand Mornas, rocher calcaire de 0,12 ha, situé à 180 m de la Côte Bleue, était occupé par une dizaine de personnes, un dimanche de juillet 2013, etune seule touffe de plante vasculaire, la camphorine Camphorosma monspeliaca, arriveencore à persister !
L’exploitation agricole, de tous temps marginale sur ces îles, ne concerne que quelques plaines peu étendues. La viticulture persiste sur les îles des Embiez, de Saint-Honorat et de Porquerollesoù elle s’accompagne de vergers des collections variétales du Conservatoire botanique national méditerranéen. L’exploitation du sel aux Embiez, qui avait débuté par la construction des tables salantes en l’an 950 s’est arrêtée en 1934. Enfin, si la Marine nationale a rétrocédé bon nombre d’îles et d’îlots depuis quelques décennies, elle occupe encore 80% de l’île du Levant qui sert de centre d’essais de lancement de missiles depuis 1950.
L’exploitation forestière et les reboisements sont maintenant inexistants ou très ponctuels (Sainte-Marguerite, Porquerolles). Ces dernières décennies, les îles provençales n’ont guère été affectées par les incendies de forêts ; sur les îles d’Hyères, 25 feux forestiers ont été recensés entre 1980 et 2011, mais ils n’ont brûlé que des superficies très réduites, n’atteignant deux hectares que dans un seul cas, à Porquerolles en août 1998.
L’impact des aérosols marins pollués, chargés d’hydrocarbures, de métaux lourds et surtout de tensioactifs anioniques (“détergents”), a occasionné, surtout à partir des années 1975, des nécroses particulièrement sévères aux ligneux sclérophylles etchez les insectes Psocoptères. Ces impacts ont été bien visibles sur les îles d’Hyères et de l’archipel de Riou, ces dernières soumises directement à l’émissaire marseillais de Cortiou. Par contre, la biomasse de la faune des Arthropodes est devenue bien plus élevée dans les stations exposées aux embruns pollués ; cet enrichissement est dû à l’état de la végétation dont les nombreuses branches dépérissantes ou mortes sont très favorables à l’expansion de ces populations de Coléoptères. Depuis une quinzaine d’années, avec la généralisation des stations d’épuration sur le continent, l’impact des embruns pollués semble s’être atténué mais une veille écologique s’impose.
Quelles que soient leurs superficies, les îles provençalessont souventsoumises à un impact marqué,liéaux invasions d’espèces exotiques envahissantes, ou à la prolifération d’espèces indigènes (goéland leucophée) ou introduites(rat noir, lapin) par l’homme depuis l’Antiquité. Les quatre îles comportant un pourcentage d’artificialisation des sols comprisentre10% et 40% ont un niveau d’impact des espèces proliférantes moyen (Ratonneau, Planier) à fort (Porquerolles, Embiez). Les deux seules îles (Saint-Honorat, Bendor) comportant un pourcentage d’artificialisation supérieur à 40% subissent aussi un fort impact des espèces proliférantes.
Les îles à richesse spécifique supérieure en espèces proliférantes (faune et flore) par rapport à la moyenne sont : (i) des îles de grandes et moyennes superficies desservies par des navettes, souvent appartenant pour tout ou partie à des propriétaires privés: Porquerolles (133 espèces), île des Embiez (54), Sainte-Marguerite (49), Saint-Honorat (33), île Verte (30 espèces), Grand Ribaud (27), Bendor (21) et Grand Rouveau (16) ; (ii) des îles de moyennesuperficie maintenant rattachées au continent : Grand Gaou (22) et Brégançon (17 taxons). Par contre, les îles calcaires de l’archipel du Frioul et de Riousemblent plus résistantes aux invasions biologiques, avec une richesse en espèces proliférantes respectivement moyenne et faible par rapport à la moyenne générale du sous-bassin.
Chez les vertébrés, les deux espèces exotiques ou proliférantes les plus fréquentes sont :
– (i) Le Goéland leucophée, avec une nidification attestée sur 69 îles soit près des trois-quarts des îles et îlots.L’augmentation exponentielle de la population de cette espèce durant tout le XXe siècle, a engendré une modification de la richesse et composition spécifiques (voir encadré), ainsique de la dynamique des communautés végétales et animales.
– (ii) La deuxième espèce de vertébrés présente sur presque la moitié des îles et îlots considérés (42 îles) est le rat noir, dont la présence régionale remonte à l’Antiquité romaine. Sur les îles de faibles superficies (moins de 100 ha), la forte densité en goélands engendre un effet accru de prédation par le rat sur des oiseaux marins rares comme les puffins (puffin yelkouan, puffin cendré et océanite tempête).
D’autres vertébrés anthropophiles comme le lapin de garenne, le chat et le hérisson sont moins fréquents sur ces îles, mais leur influence dans le déclin des populations de certains oiseaux ou reptiles (cas du déclin du lézard vert à Saint-Honorat ou Porquerolles) est tout aussi préocuppant. L’expansion de la tarente de Maurétanie menace aussi les deux geckos indigènes (hémidactyle, phyllodactyle d’Europe).
Chez les invertébrés, l’impact de l’apparition au début du XXe siècle de la fourmi d’Argentine Linepithema humile, puis de sa spectaculaire expansion sur le littoral méditerranéen français, commence à être mieux connu (L. Berville, inéd.).Cette invasion semble avoir des effets particulièrement désastreux en milieu insulaire ; ainsi, sur l’île des Embiez la quasi-totalité des fourmis locales a été éradiquée au bénéfice de la fourmi d’Argentine et il ne reste que 3 espèces de fourmis indigènes sur l’île contre 15 au Grand Rouveau, pourtant d’une superficie treize fois plus petite. La fourmi d’Argentine a été aussi recenséeà Ratonneau, Bendor, Port-Cros et Porquerolles.
Parmi les végétauxexotiques envahissants, les taxons les plus présents (26%) sont les griffes-de-sorcière (Carpobrotus spp.)qui recouvrent des pentes littorales entières pour certaines îles comme le Grand Rouveau et l’île des Embiez, le Grand Ribaud, l’îlot des Portes (cap Camarat). Comme ailleurs en Méditerranée, les Carpobrotus modifient significativement la structure et la composition des communautés végétales, mais aussi les interactions biotiques entre espèces animales et végétales, indigènes ou non (voir encadré ou chapitre 1).Sur les îles d’Hyères, a été montré que les griffes-de-sorcière facilitent l’expansion démographique du rat noir grâce à l’abondante ressource alimentaire qu’elles fournissent durant la période estivale, et qu’en retour les rats augmentent la dispersionet le taux de germination des graines de Carpobrotus. D’autres végétaux exotiques sont fréquents, localement abondants et dynamiques sur les îles(Figure X) :Pittosporum tobira(très dynamique dans les sous-bois de l’île Saint-Honorat),Medicago arborea(en forte expansion sur les îles du golfe de la Ciotat et des Embiez), Opuntia spp., Senecio angulatus, Oxalis pes-caprae,ou encore Cortaderia selloana qui colonisevigoureusement certains talwegs de l’île du Levant.
Figure X. Nombre et pourcentage d’îles et îlots de Provence-Côte-d’Azur (n = 85) en fonction des principales espèces exotiques ou proliférantes, végétales et animales (mammifères, oiseaux), d’après Fouchard (2013).
Quand les goélands leucophée contrôlent la flore des îles de Marseille…
Les petites îles et îlots abritant de vastes colonies d’oiseaux marins nicheurs subissent souvent des modifications rapides et spectaculaires de leurs structure, composition et fonctionnement car ces vertébrés surabondants engendrent de fortes pressions sur ces écosystèmes, le plus souvent pauvres en espèces.Ces dérèglements ont été bien étudiés sur les archipels marseillais qui ont connu une augmentation considérable des effectifs nicheurs de goélands leucophée (Larus michaellis) : si seulement une centaine de couples était connue en 1920, un pic de plus de 23 000 couples dont près des trois-quarts présents sur l’archipel de Riou a été atteint en l’an 2005. La flore des îlots de faible superficie (ex. Grand Congloué, 2 ha) est la plus sévèrement touchée par la présence des goélands.
En raison du piétinement, de déjections riches en azote et phosphore, de l’apport constant de composés organiques exogènes et de l’utilisation de matériaux végétaux pour la confection des nids, cette pression aviaire a profondément modifié la richesse et la composition floristiques, et plus globalement la structure de la végétation et des paysages. Ces études ont pu mettre en évidence : (i) une relation inverse entre la richesse floristique et la densité des goélands, aussi bien lors des suivis de 1995-97 que ceux de 2008 ; (ii) une augmentation des végétaux rudéraux et des espèces allochtones, nouvellement implantées sur ces petites îles calcaires, mais une diminution des taxons stress-tolérants sensu Grime ; (iii) des turn-overs floristiques importants entre les inventaires anciens et ceux réalisés en 1996, impliquant des végétaux surtout rudéraux, annuels, anémochores et à vaste distribution géographique, ces turn-overs étant corrélés à la densité des goélands et inversement corrélés à la surface de l’île ; (iv) l’extinction locale ou la nette raréfaction de végétaux rares comme les passerines (Thymelaea tarton-raira et T. hirsuta).
Toutefois, les derniers dénombrements réalisées pa le Conservatoire des espaces naturels (CEN-PACA) montrent une chute des effectifs de goélands de près de 50% et les conséquences sur les écosystèmes insulaires méritent d’être suivies.
Frédéric Médail
Domaine marin
Il existe de fortes disparités dans la connaissance de la biodiversité terrestre des îles de Provence, selonles divers groupes taxonomiques mais également en fonction des zones géographiques. En effet,sur les 428 études retenues dans la récente synthèse de Fouchard (2013), plus de 68% des travaux utilisés portent sur la flore vasculaire (n = 78 études) et sur les vertébrés (n = 214 études) (Figure X). La répartition des études concernant la flore vasculaire montre aussi une nette disparité selon les zones géographiques, la majorité des travaux portant sur les archipels notamment ceux des îles d’Hyères (n = 32 études), de Lérins et du Frioul (n = 9 études chacun).
Figure X. Répartition des différentes études de biodiversité terrestre relatives aux îles et îlots de Provence-Côte-d’Azur (n = 85), en fonction des différents groupes taxonomiques, d’après Fouchard (2013).
Malgré leur très faible représentativité spatiale à l’échelle des départements des Bouches-du- Rhône, du Var et des Alpes-Maritimes (3961 ha, soit 0,24% de ces départements), ces îlespossèdent un grand nombre d’espèces protégéesau niveau nationalou régional (Tableau X):
– 184 espèces végétales patrimoniales dont 76 font l’objet d’une protection nationale ou régionale et 39 inscrites sur la liste rouge UICN des espèces menacées en France.
– 26 espèces patrimoniales de vertébrés (mammifères, oiseaux nicheurs, reptiles et amphibiens) présentesdans les listes rouges UICN nationales.
-133 espèces patrimoniales d’invertébrés (Mollusques terrestres, Arachnides et les Insectes) dont 8 espèces inscrites sur la liste rouge UICN nationale.
Chez les oiseaux nicheurs, les mammifères et également les reptiles et amphibiens, les îles de moyennes et de grandes superficies présentent les richesses spécifiques totales et en espèces patrimoniales les plus élevées. En ce qui concerne la flore vasculaire, une quinzaine d’îlots de superficie comprise entre 0,01 et 1,85 ha ont une importante richesse relativeen espèces patrimoniales. L’ensemble des îles provençales comporte 22 plantes vasculaires incluses au Livre rouge national de la flore menacée, soit 35% des végétaux menacés présents sur l’ensemble du littoral de la région. Les seules îles du golfe de Marseille abritent pas moins de 20 végétaux protégés par la loi. Si l’on considère l’ensemble de la flore vasculaire, on estime que toutes ces îles comportent environ 1100 espèces et sous-espèces indigènes soit 32% de la flore de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, sur un territoire seulement égal à 0,001% de la superficie régionale.
Ile (superficie) | Nbr d’habitants permanents | Nbr de lits disponibles | Nbr d’hôtels / centres de vacances | Nbr annuel de visiteurs | Nbr annuel de plaisanciers |
---|---|---|---|---|---|
Porquerolles | |||||
Le Levant | |||||
Port-Cros | ≈ 30
(120 durant 7 mois) |
180 000 / 200 000 | 45 000 / 55 000 | ||
Saint-Honorat | |||||
Sainte-Marguerite ? | |||||
Embiez | |||||
Bendor | |||||
Ratonneau (Frioul) |
Tableau X. Nombre d’espèces protégées nationalement et régionalement sur les îles et îlots de Provence et Côte-d’Azur (Fouchard, 2013) et dans la région administrative Provence, Alpes Côte d’Azur (PACA) (DREAL PACA : http://www.paca.developpement-durable.gouv.fr/)
Un autre intérêt tient à la présence de populations insulaires pour plusieurs végétaux indigènes progéniteurs d’espèces cultivées, cas intéressants sur le plan agronomique du fait de possibles adaptations locales. Ainsi, la population de poireau sauvage Allium porrum subsp. polyanthum de l’île du Grand Rouveau correspond à une souche indigène ancienne et non propagée par l’homme. D’autres populations insulaires d’espèces proches de cultivars existent sur les petites îles : le chou de Robert Brassica montanacomporte deux populations micro-insulaires (îlot de La Longue près de la presqu’île de Giens et île de Brégançon) sur susbstrat siliceux alors que la quasi-totalité des populations continentales se rencontrent sur calcaire ; la betterave maritime Beta vulgaris subsp. maritima, plus fréquente, est présente sur divers types de substrat ; la carotte sauvage dont les divers variants populationnels mériteraient une étude génétique et morphologique approfondie.
Aucune tendance ne permet de relier la perte en espèces végétales patrimoniales aupourcentage d’artificialisation, mais cette perte est bien réelle, avec au moins 111 espèces végétales patrimoniales éteintes localement pour 21 îles, dont 29 espècessur la seule île de Porquerolles. Pour les reptiles également, des populations d’espèces patrimoniales se sont éteintes sur certaines îles. Tel est le cas du phyllodactyle d’Europe dont la disparition a été constatée sur l’île des Embiez et à l’île Verte et qui n’a plus été revu sur Bendor, au Rocher des Pendus est, à Endoume et aux Empereurs Sud. La Tortue d’Herman (Testudo hermanni) a également disparu de l’île de Port-Cros au XIXe siècle.Chez les invertébrés, les données restent bien trop lacunaires pour dégager des tendances, mais de fortes menaces pèsent sur des groupes inféodés à des niches écologiques hautement spécialisées (voir encadré). Deux espèces patrimoniales de lépidoptères (Tomares ballus et Euchloe) mentionnées anciennement sur Port-Cros n’ont plus été revus et ils mériteraient une recherche ciblée.
Menaces sur les invertébrés associés aux bois flottés et aux laisses de mer
Les Coléoptères saproxylophages associés aux bois flottés forment une catégorie d’espèces fort menacées sur le littoral et les îles de Provence. Les charançons Amaurorhinus cf. bewickianus, Styphloderes exsculptus et Mesites pallidipennis fournissent les meilleurs exemples. Sur le littoral du continent voisin, l’enlèvement systématique et volontaire de ces laisses de mer a abouti à une raréfaction considérable de ces espèces, sinon à leur extinction. Si des mesures conservatoires prises par le Parc national vont dans le bon sens, seul Styphloderes exsculptus se maintiendrait sur les plages les moins fréquentées de Port-Cros ; il abondait sur les plages de la partie militaire de l’île du Levant où les troncs échoués sont encore nombreux, comme sur la plage du Liserot.
La faune des laisses de mer constituée par d’épaisses accumulations de feuilles mortes de posidonies est aussi remarquable mais elle reste méconnue. A Port-Cros, a été signalé une communauté de Coléoptères formée de nombreuses espèces : Cafius xantholoma, Remus sericeus, Aleochara albopila, divers autres petits staphylins Aleocharinae, alors que Travé (1984) a relevé pour les Acariens Oribates la présence d’une quinzaine d’espèces associées aux banquettes de posidonies, et absentes des autres habitats de l’île. De plus, certaines sont remarquables par leur distribution, comme : Indotritia krakatauensis consimilis, également connue de Croatie ; Hermannia minuta, connu des côtes bulgares et françaises ; Pseudotectoribates sp., genre qui n’était connu que d’Espagne ; et enfin, une espèce du genre Phthiracarus sp., que Travé considérait comme nouvelle. Pour ce dernier, cet habitat est l’un des plus originaux de l’île. Les mêmes conclusions sont tirées par Noël de ses recherches sur les Crustacés Oniscoïdes de Port-Cros, puisque selon cet auteur au moins dix espèces (Ligia italica, Trichoniscus fragilis, T. halophilus, Buchnerillo littoralis, Armadilloniscus candidus, A. littoralis, Halophila couchi, H. tyrrhena, Porcellio lamellatus, Acaeroplastes melanurus) sont strictement liées aux laisses de mer accumulées sur les plages peu fréquentées et aux banquettes de posidonies. Il a été montré que sur les plages de Malte ces communautés d’Arthropodes étaient affectées par les perturbations d’origine humaine et présentaient une diversité supérieure dans les accumulations de feuilles les plus anciennes.
Parmi les autres groupes, il faut signaler le forficule maritime Anisolabis maritima, espèce emblématique devenue très rare, sinon éteinte, à Port-Cros sur le continent proche ; elle paraît supplantée dans son habitat par une espèce très banale et peu exigeante, Euborellia moesta, qui a été rencontrée dans les laisses de mer sur les plages près d’Hyères.
Philippe Ponel
Les enjeux de conservation concernent aussi des îles privées, même fortement artificialisées (Bendor)car elles présentent encore des ratios élevés entrele nombre d’espèces patrimoniales par rapport à leur superficiee. L’île de Bendor et l’île des Embiez abritent ainsi plusieurs espèces remarquables d’invertébrés. Pour les Embiez, par exemple des résultats récents montrent la présence d’éléments remarquables en Coléoptères saproxylophages, comme Choragus rogei, espèce décrite très récemment, mais aussi en araignées, avec Harpactea arguta non revue en France depuis sa description en 1907. Il existe aussi sur ces deux îles une composition intéressanteen végétaux patrimoniaux (8 espèces pour Bendor et 33 pour les Embiez), avec cependant des espèces qui se sont éteintes depuis les cent dernières années (4 pour Bendor et 3 pour les Embiez).
Domaine marin
Les îles et îlots de Provence et Côte d’Azur considérés (92 îlesqui incluent 7 îlots sans flore mais abritant au moins un oiseau nicheur) bénéficient, dans l’ensemble, de statuts fonciers de protection satisfaisants. En effet, seuls 6 îlots ne comportent aucun statut de protection (Bendor, le Grand Gueirouard, le Lion de Mer, le Lion de Terre, les rochers des Pendus Est et Ouest). En considérant uniquement les parcs nationaux, les sites classés, les zones de protection spéciale (ZPS) et les zones spéciales de conservation (ZSC), 71% des îles bénéficient d’au moins un de ces statuts, soit en tout 3584 ha, sur une superficie insulaire totale de 3691 ha (Figure X) .
Concernant les statuts fonciers(Figure X), 86% des îles et îlots appartiennent entièrement ou majoritairement au domaine public de l’Etat français : 44% appartiennent au domaine public maritime (DPM) et 42% à l’Etat, dont 22% (19 îles) dans leur intégralité ou dans leur majorité, au Conservatoire du Littoral. Par contre, 9% des îles et îlots (8 îles) sont entièrement ou majoritairement privées, avec différentes situations cependant, de la plus urbanisée comme Bendor dont 80% de sa surface est artificialisée, à des îles n’ayant aucun usage, telle que l’île Rousse. Soulignons que le statut foncier des îlots non cadastrés (19 îlots avec de la flore vasculaire) et ceux cadastrés mais non renseignés reste à clarifier, car ils ne relèvent pas forcément du domaine public maritime.
Concernant la gestion, 56% des îles et îlots (52 îles) font l’objet d’une gestion permanente (Figure 8), et 43 îles ont un document de gestion. À l’inverse, 24% des îles et îlots ne font l’objet d’aucune gestion ni surveillance. Enfin, 20% des îles et îlots ne font pas l’objet d’une gestion permanente mais d’actions en faveur de l’environnement par différents acteurs.
Domaine marin
Améliorer la protection et la gestion
Si l’estimation de la qualité d’un réseau de protection reste difficile, celui des îles et îlots de Provence et Côte d’Azur semble de prime abord satisfaisant, selon la première synthèse globale réalisée (Fouchard, 2013).Cependant, il reste à établir une stratégie globale de conservation à l’échelle de l’ensemble de ces îles. Si celles-ci sont majoritairement publiques et bénéficient de statutsde protection, des plans spécifiques de gestion doivent être établis pour la plupart d’entre elles. En effet, seules certaines îles incluses aux parcs nationaux des Calanques (archipels du Frioul et de Riou) et de Port-Cros (Porquerolles, Port-cros, Bagaud) ou à une Réserve biologique dirigée de l’Office national des forêts (île Sainte-Marguerite) ont fait l’objet d’un véritable plan de gestion. Si 73 îles et îlots sont inclus au réseau Natura 2000 en tant que Sites d’intérêt communautaires (SICs), force est de constater que ces territoires insulaires sont très peu considérés, voire totalement ignorés, dans les documents d’objectifs (DocObs), dès qu’il s’agit d’îlots de faible superficie (ex, les Rochers des Deux Frères, près du cap Sicié). Ainsi, les priorités seraient de développer de véritables plans de gestion spécifiques à ces territoires insulaires,au moins pour certaines îles de taille moyenne (Embiez, Saint-Honorat, Ile Verte, Grand Ribaud), et de mieux mettre en exergue les enjeux de conservation des plus petites entités insulaires lors des révisions futures des DocObs.
Plusieurs îlots d’intérêt biologiqueimportantreprésentent, dans ce contexte, des entitésintéressantes en vue d’une acquisitionpar le Conservatoire du littoral. Les îlots de la Provence siliceuse, notamment certains îlots du littoral des Maures (Léoube, Estagnol Nord et Sud) et de la côte de l’Estérel (Saint-Barthélemy), sont restés jusqu’à une date récente très peu connus sur le plan de la biodiversité. Or, les inventaires récents soulignent bien leur intéressante biodiversité terrestre, et il conviendrait d’améliorer la gestion conservatoire de ces îlotstrop longtemps négligés.
La mise en place d’actions de conservation locales concerne directement les îles de statut foncier privé, soit entièrement (Saint-Honorat, Bendor, Embiez, île Rousse),soit majoritairement (Petit et Grand Ribaud). En raison des fortes pressions qu’elles subissent, les îles des Embiez et de Bendor devraient faire l’objet d’efforts substantiels de conservation. Les prospections récentes montrent que même sur l’île de l’île Bendor, la plus artificialisée du sous-bassin France Sud, les derniers lambeaux de “milieu naturel” peuvent encore abriter une flore patrimoniale et une entomofaune dignes d’intérêt. On peut ainsi suggérer une collaboration avec la Fondation Paul Ricard qui pourrait se positionner en tant que véritable gestionnaire de ces îles. Ce partenariat permettrait également de réaliser une sensibilisation à la problématique des espèces proliférantes qui demeurent très préoccupantes.
Remarquons qu’un statut îlien privé n’est pas forcément synonyme d’impacts environnementaux délétères. Ainsi, l’île Saint-Honorat (Lérins), propriété de la Congrégation cistercienne de l’Immaculée Conception depuis près de cent cinquante ans, se caractérise parun bon état général de conservation de la flore et des habitats terrestres,sans doute aussi satisfaisant que celui d’autres aires protégées insulaires de la région, pourtant bien plus emblématiques. Sur cette île, au vu du riche patrimoine bâti et de la grande richesse spécifique en chauve-souris (10 espèces dont 2 patrimoniales: le minioptère de Schrebers et la noctule de Leisler), il serait intéressant de mettre en place une gestion spécifiqueafin decontribuer au maintien de ces espèces, rares sur les îles de Provence.
Les quelques îles reliées artificiellement au continent par l’homme (Brégançon, Grand et Petit Gaou) méritent aussi des plans de gestion ambitieux car ce sont des territoires en mutationrapide. La fréquentation humaine et les impacts des espèces exotiques envahissantes sont devenus très forts sur le Grand Gaou depuis l’édification d’un pont le reliant au continent, dans les années 1990s ; depuis 2014,la nouvelle affectation du fort de Brégançon qui est désormais ouvert à l’année au public et géré par le Centre des monuments nationaux (CMN), devrait aussi s’accompagner de la mise en place d’un plan détaillé de gestion environnementale du site.
A contrario, la baisse significative des usages agro-sylvo-pastoraux sur les îles provençales depuis près d’un siècle conduit à une augmentation significative des superficies couvertes par les matorrals (maquis et garrigues) et les pré-forêts, en particulier sur les îles de Provence siliceuse où lessolssont plus profonds et avec une meilleure capacité de rétention en eau. Ces modifications des dynamiques écologiques s’accompagnent de changements profonds dans la richesse, la composition et la structure de communautés caractéristiques des deux “extrêmes” du gradient écologique, soit les milieux ouverts herbacés et les milieux forestiers en voie de maturation. Les gestionnaires de ces territoires – cas des îles d’Hyères – sont donc confrontés à de réelles difficultés pour bien appréhender les enjeux de conservation et les modalités de gestion des habitats et des espèces, notamment celles des milieux ouverts dont les populations s’amenuisent ou disparaissent localement (voir encadré).
Principe de naturalité ou gestion interventionniste de la biodiversité ? Cas du Parc national de Port-Cros
Les écosystèmes de Port-Cros sont soumis à deux facteurs opposés, mais qui peuvent presque se “télescoper” spatialement (Médail et al., 2013): d’un côté un régime majeur de non perturbation qui concerne les forêts et maquis, de l’autre des impacts anthropiques liés pour l’essentiel à la pression touristique et qui affectent les écosystèmes littoraux et certaines zones proches des habitations ou des principaples pistes.
Le faible impact des activités forestières et agricoles et l’absence de perturbation majeure (incendie) depuis plus d’un siècle ontengendré une puissante dynamique de la végétation forestière et arbustive, conjointement à la régression significative des divers écosystèmes de pelouses et fruticées basses. Ces modifications sont de plusieurs ordres : (i) une disparition ou une régression de l’aire de distribution locale des communautés héliophiles ; (ii) des changements dans les structures verticales et horizontales de la végétation forestière ; (iii) des changements dans la composition et la richesse spécifiques avec une diminution du nombre et de l’abondance des espèces animales (rossignol philomène, mésange bleue) et végétales (graminées et légumineuses annuelles, herbe-à-chat Teucrium marum) liées aux milieux ouverts, de plus en plus isolés et exigüs.
Se pose alors le problème de la gestion des milieux ouverts de Port-Cros et de leurs espèces associées. Doit-on, selon le principe de naturalité, ne réaliser aucune gestion interventionniste et considérer que ces habitats pionniers sont par nature voués à disparaître du fait de la puissante dynamique végétale en cours ? Doit-on au contraire instaurer un “interventionisme mesuré” par le jeu d’éclaircies ponctuelles et de surface réduite du maquis, qui seront probablement insuffisantes à maintenir ces milieux et espèces photophiles ? Doit-on aller jusqu’à des interventions lourdes de restauration écologique pour tenter de recréer des superficies significatives de milieux ouverts, y compris dans les secteurs de maquis dense ?
Mais si l’on considère d’autres groupes taxonomiques, la fermeture des milieux et la maturation des peuplements forestiers de Port-Cros favorisent l’installation ou le développement de nouvelles guildes caractéristiques des vieilles forêts thermophiles, aussi bien chez les Coléoptères saproxylophages (lucane et cerf-volant) si l’obstacle de l’insularité est surmontable, les mousses et les hépatiques comme Cololejeunea minutissima, ou les communautés lichéniques corticoles des vieux troncs sur lesquels se rencontrent plusieurs lichens caractéristiques des chênaies caducifoliées de climat atlantique.
Il demeure bien délicat d’établir des scénarios prospectifs de ce que seront les dynamiques futures des paysages et de la biodiversité terrestres de l’île de Port-Cros, système insulaire par essence soumis à destrajectoires écologiques originales. De plus, l’absence de données rétrospectives (paléoécologie ou dendrochronologie) oblitère toute référence solide aux dynamiques écologiques passées. Ces limites ne sont pas propres à Port-Crospuisque chez presque toutes les petites îles de Méditerranéeon manque cruellement d’études de référence, en paléoécologie ou écologie historique, travaux qui permettraient de mieuxestimerla nature de ces écosystèmes avant la forte emprise humainesurvenue souvent dès l’Antiquité. Dès lors, le débat entre les adeptes du “principe de naturalité” ou ceux qui prônent un “principe interventionniste de gestion de la biodiversité” est loin d’être clos !
Frédéric Médail
Actions spécifiques sur les pressions
Certaines actions de lutte contre les pressions environnementales insulaires s’appliquent à de vastes échelles spatiales qu’il est délicat de contenir localement (pollutions, impacts des oiseaux marins surabondants).
Deux volets principaux d’actions locales concernent (i) les pressions liées aux impacts humains directs, notamment l’altération de la capacité de charge des sytèmes par une fréquentation estivale trop importante, et (ii) les invasions biologiques causées par les espèces allochtones à caractère envahissant.
L’impact touristique estival mérite des études spécifiques concernant la fréquentation, l’occupation des îles et leurs conséquences sur la biodiversité. il convient d’améliorer la compréhension des liens possibles entre la biodiversité et les pressions anthropiques passées et actuelles, etde proposer une politique de gestion adaptée à chaque île. Dans cette optique, iIest nécessaire d’analyser sur le moyen terme la capacité de charge des milieux les plus fragiles (plages et leurs abords, sentiers littoraux).Un observatoire tel que Bountîles – outil d’aide à la gestion proposant une méthode standardisée pour analyser la fréquentation dans le Parc national de Port-Cros – devrait être généralisé aux 18 îles de moyenne à grande superficie (i.e. de surface supérieure à 5 ha) car elles sont sujettes aux plus forts impacts. L’adaptation de cet outil, en prenant en compte des nouvelles menaces (kayak, paddle, accès à la nage), permettrait d’appréhender aussi l’impact de la fréquentation sur les petits îlots proches des côtes ou del’île principale, afin d’élaborer, au cas par cas, une surveillance ou une gestion spécifique. Pour les îles les plus fréquentées, et lors des jours de plus forte affluence estivale, il sera très probablement nécessaire de limiter les accès depuis les navettes maritimes, comme cela est envisagé à Port-Cros et de fermer de façon temporaire certains sentiers, ce qui est déjà le cas lors des jours de forts risques d’incendies (plan Alarm).
Ces îles doivent promouvoir des démarches environnementales exemplaires, et un effort particulier doit être réalisé pour la conservation des habitats et espèces des rares plages et criques sablonneuses qui abritent des végétaux vasculaires et des arthropodes très menacés. Il convient donc de développer des politiques ambitieuses permettant de limiter le surpiétinement de ces milieux et de maintenirin situ les laisses de mer et les bois flottés échoués sur les plages (voir encadré), comme cela est fait vec succès sur l’île Saint-Honorat.
La gestion des espèces envahissantes ou surabondantes représente aussi un volet majeur, car les déséquilibres biologiques induits par l’expansion de telles espèces sont souvent très rapides et ont des conséquences aggravantes sur les systèmes micro-insulaires de Provence. Des actions visant à limiter les populations de trois taxons très dynamiques ont été conduites sur l’archipel de Riou (goéland leucophée, rat noir), sur les îles d’Hyères (rat noir, griffes-de-sorcière) et sur l’île du Grand Rouveau (griffes-de-sorcière). L’action pilote de restauration écologique de l’île de Bagaud est en ce sens exemplaire, car elle repose sur une méthodologie rigoureuse qui s’inscrit dans une décennie de suivis écologiques (voir encadré).
Les actions prioritaires de gestion des invasionsdoivent s’appliquer aux systèmes multi-envahis, et une analyse spécifique à ces taxons s’avère nécessaire à l’échelle du sous-bassin. Des opérations de stérilisation des oeufs de goéland leucophée ainsi que d’éradication des rats noirs méritent d’être mise en place sur les îles d’une superficie inférieure à 100 ha (Pomègues, Ratonneau, Maïre, Tiboulen de Maïre, Riou, Grand Congloué, Petit Congloué, Plane, Jarre, Jarron, Bagaud, Gabinière) qui comportant ces deux espèces proliférantes car elles menacent les oiseaux nicheurs rares tels que le puffin cendré, le puffin yelkouan ou l’océanite tempête. Des actions prioritaires d’arrachage des griffes-de-sorcière et d’éradication des rats noirs sont aussi à prévoir quand les deux espèces cohabitent. Les arrachages des Carpobrotus doivent s’accompagner d’actions de revégétalisation à partir de populations végétales strictement locales, comme cela a été réalisé sur l’île du Grand Rouveau.
Il est urgent de développer des modalitésde contrôledevégétauxexotiques envahissants qui n’ont toujours pas fait l’objet d’actions spécifiques en dépit de leur fort dynamisme :Medicago arborea(île Verte, Grand et Petit Gaou, Brégançon),Pittosporum tobira (Saint-Honorat), Senecio angulatus (Lérins, Brégançon, îles d’Hyères) ou Cortaderia selloana (Levant).Il est encore plus pertinent et facile d’agir quand ces mêmes taxons sont encore présents ponctuellement sur une île : cas de Medicago arborea sur l’île Rousse, de Pittosporum tobira sur les îlots de l’Estérel ou sur le Grand Ribaud.Des espèces végétales émergentes, ou assez dynamiques sur une île, méritent au moins une veille écologiques : c’est le cas de plusieurs Mésembryanthémacées (Aptenia cordifolia, Drosanthemum floribundum, Malephora crocea) que l’on retrouve de plus en plus fréquemment sur les pentes rocailleuses littorales ou de Polygala myrtifolia à l’île du Levant.
Pour la faune, il est nécessaire d’analyser les impacts du faisan de Colchide qui semble altérer les populations insulaires de certains reptiles (Lézard vert sur Saint-Honorat) ou même conduire à leur disparition locale (Lézard ocellé et Lézard vert à Porquerolles), et surveiller l’introduction récente de nouvelles espèces commela tortue de Floride Trachemys scriptasur l’île du Levant et à Porquerolles.
Le programme de restauration écologique de l’île de Bagaud (Parc national de Port-Cros)
L’île de Bagaud dans l’archipel des îles d’Hyères (Var) est une Réserveintégrale dépendant du Parc national de Port-Cros. Elle est soumise à deux perturbationsmajeures d’origine anthropique, les invasions des griffes de sorcière (Carpobrotus spp.)et du rat noir (Rattus rattus), deux espèces exotiques connues pour leurs effets particulièrementnéfastes sur la flore et la faune des écosystèmes méditerranéens. Dans un butde conservation de la biodiversité insulaire, et pour permettre à l’île de Bagaud de jouerpleinement son rôle de sanctuaire biologique, le Parc national de Port-Cros a lancé unprogramme décennal (2010-2019) de restauration écologique qui implique l’éradication de ces espècesinvasives. Outre les actions d’éradication, le programme prévoit l’établissement préalabled’un “état zéro” de la faune et de la flore, puis le suivi post-éradication d’un panelde taxons indigènes sur un pas de temps décennal selon des protocoles standardisés,légers et facilement reproductibles. Une étude des conséquences trophiques liées à ces éradications est aussi nécessaire en raison des interactions nouées entre ces différentes espèces ou entre espèces indigènes et exotiques. Les actions d’éradications bénéficient de méthodologiesprécises mises au point par des études de faisabilité, des expérimentations préalablesde restauration in-situ, et des conseils d’experts. Un guide méthodologique scientifiqueet technique relatif à la mise en oeuvre d’actions de restauration écologique au seind’écosystèmes méditerranéens sera réalisé à l’issue de ce projet de longue haleine.
Annie Aboucaya, Elise Krebs & Aurélie Passetti
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- site internet : http://mglebrusc.free.fr/textes/le%20milieu/intro_sentier%20decouverte.html