ISSN 2970-2321

Cette fiche a été rédigée dans le cadre du projet d’Atlas encyclopédique des Petites Iles de Méditerranée, porté par le Conservatoire du Littoral, l’Initiative PIM, et leurs nombreux partenaires.
This sheet has been written as part of the encyclopedic Atlas of the Small Mediterranean Islands project, carried out by the Conservatoire du Littoral, the PIM Initiative and their numerous partners.
(https://pimatlas.org)

ILES

Cluster : Archipel de Zembra et Zembretta

Sous-bassin : TUNISIE NORD

Zembretta

Contributeurs :

Sabri JAZIRI (Thétis conseil- Cabinet Sami Ben Haj Etudes et Conseil en Environnement)

Date de création : 25 Février 2021

 

Pour citer cette version : JAZIRI , S. (2021). Fiche île : Zembretta – Sous-bassin : Tunisie Nord. Atlas des Petites Iles de Méditerranée. https://pimatlas.org/explorer-atlas/iles/zembretta/

zembretta-carte
zembretta-general
Commune Nabeul
Archipel Zembra et Zembretta
Surface (ha) 2
Linéaire côtier (mètre) 1290
Distance à la côte (Mile nautique) 4
Altitude max (mètre) 53
Coordonnée géographiques Latitude 37.106588
Longitude 10.87436
Propriété foncière Publique
Gestionnaire(s) APAL-Aspen
Statut de protection national Zone de protection biologique depuis 1973

Parc national depuis 1977

international Réserve de la biosphère depuis mars 1977,

ASPIM depuis le 1 avril 2001 – terre et mer,

Zone importante pour la conservation des oiseaux ZICO,

Description générale


L’îlot Zembretta fait partie de l’archipel de Zembra et Zembretta. Cette connotation italienne de l’archipel, nous rappelle la splendeur de l’île principale Zembra, qui paraît de loin zébrée par alternance de couleurs de ses roches. Alors que pour Zembretta, l’utilisation de ce suffixe diminutif nous plonge directement dans l’affection de ce petit bijou de la méditerranée. L’appellation local de l’îlot Jamour esseghir issu du latin “Aegimures” nous renseigne aussi sur le patrimoine culturel de l’archipel venant d’un autre temps.  

Zembretta est située au nord-est du golfe de Tunis à une distance de 5 km à l’est de Zembra et de 12 km du Cap-Bon. Elle couvre une superficie de 2 ha et culmine à 53 m avec un linéaire côtier de 1290 m. 

Située au nord de la Tunisie, Zembretta est soumise à un climat méditerranéen subhumide caractérisé par des périodes prolongées de beaux temps. La saison chaude qui se prolonge au-delà de l’été est sèche. Les précipitations irrégulières sont plus fréquentes en automne et en hiver, sous forme de violentes averses de courte durée accompagnées fréquemment de vents violents.

L’îlot est d’origine continentale, formé de grès qui remonte à l’oligocène. La partie sud de l’îlot est un versant qui descend par une pente douce vers la mer, alors que la partie Nord-ouest est constituée par des éboulis d’énormes blocs de grès. La situation géographique de l’archipel des Aegimures qui se trouve sur la route de Rome a été de grande importance stratégique au cours de l’histoire. En effet, durant la période punique qui remonte au III et IIème siècle A J-C, un poste d’observation a été découvert. Ce poste servait de relais entre les différentes stations du continent, permettant ainsi le repérage de tout déplacement suspect de la flotte ennemie dans la mer. La morphologie ainsi que la petite taille de Zembretta n’ont pas favorisé une occupation distinguée de l’îlot à l’opposé de l’île principale. Les principales traces de vestiges découvertes au sommet de l’îlot est une vaste construction d’un grand monastère et une citerne antique.

Connaissances


L’îlot Zembretta est souvent négligé dans la littérature ancienne. Les récits fait état seulement d’une île d’Aigimouros (en grec) ou d’Aegimurus (en latin) (E. B., 1995). Au début du XIXe siècle, les missions d’exploration scientifique concernant tout l’archipel ont commencé, se focalisant essentiellement sur Zembra et se limitant à des brèves visites sur l’îlot Zembretta. En 1884, Doùmet-Adanson signale la présence du lapin à l’îlot. En Botanique, la première excursion sur l’îlot a été effectuée en 1953, par Labbé, Deleuil et Pottier-Alapetite. Cette mission a permis de noter la présence de 23 espèces (Deleuil et Labbé, 1954). 

 

Depuis l’an 2000, les missions scientifiques sont de plus en plus fréquentes. Pour les herpétofaune, on a pu dénombrer 3 espèces de lézards sur l’îlot, Psammodromus algirus (Lacertidé), Chalcides ocellatus (Scincidé) et Hemidactylus turcicus (Gekkonidé) (Nouira, 2001). 

Depuis 2006, le Conservatoire du littoral et les partenaires des pays associés à l’initiative PIM (Petites îles de la Méditerranée) ont organisé des missions de terrain destinées à améliorer les connaissances des îles et à mettre en commun les différentes expériences de gestion.

 

La richesse floristique est représentée par 70 taxons, dont 5 sont exotiques et plusieurs autres espèces qui sont localisé exclusivement sur Zembretta (Allium commutatum, Anisantha sterilis, Atriplex patula, Atriplex prostrata, Parapholis filiformis, Spergula bocconei, Suaeda vera) (Médail, 2020) mais l’archipel présente un couvert important de Daucus carotta. Pour les mammifères terrestres, le rat noir Rattus rattus frugivorus est une espèce commune sur l’ensemble de l’archipel avec une densité importante autour des habitations à Zembra.  A Zembretta, le rat noir présentait des effectifs importants, ce qui constituait une véritable menace pour les oiseaux nicheurs. Ce qui a incité les gestionnaires du site (la direction des forêts DGF et l’agence de protection et aménagement du littoral APAL) à envisager une campagne de dératisation sur l’îlot. Avec l’appui de l’initiative des petites îles de la Méditerranée PIM, une campagne de dératisation a été menée sur l’îlot en 2009 suivie par une opération de piégeage en 2010 et 2012 confirmant ainsi l’absence totale du rat (Rattus rattus) sur Zembretta (ABIADH, 2012), ceci a immédiatement donné des résultats extraordinaire de nidification du puffin Yelkouan avoisinant les 80 couples alors qu’il n’était que de passage auparavant. Sur l’îlot on a signalé 2 couples de cormoran huppé Phalacrocorax aristotelis, 900 couples de goéland leucophée Larus cachinnans qui entre en compétition avec le goéland d’Audouin obligeant ce dernier à changer d’aire de nidification (RAC/SPA 1986). Un couple de faucons pèlerin est noté à Zembretta. Les connaissances sur la biodiversité sur l’archipel restent insuffisantes pour le milieu marin et plus riche pour le milieu terrestre et nécessitent un suivi régulier qu’actuellement. Ce qui va être comblé par un suivi de la biodiversité dans le cadre de la cogestion entretenue entre l’association ASPEN et l’APAL.

Intérêts


  PRESENCE DE BATI PATRIMONIAL - non

Limonium zembrae, endémique de l’archipel (©Errol Vela)

La biodiversité végétale de l’îlot est intéressante puisque sur ce territoire de 7 hectares , on rencontré 70 taxons dont 57 espèces indigènes, deux espèces quasi-excusives figurent dans cet inventaire et 5 espèces non indigènes. Le couvert végétal comprend une large part de végétation rudérale favorisé par les déjections des oiseaux marins qui survolent l’îlot.

 

Concernant les reptiles sont faiblement représentés, tandis que la faune mammalienne qui était constituée de rats noirs ont été éradiqués.

 

Zembretta présente un intérêt considérable pour la protection de la biodiversité marine et terrestre, mais les prospections et inventaires sont très limités, et ne concerne principalement que la partie terrestre. Du point de vue conservation de la biodiversité à l’échelle méditerranéenne, c’est l’avifaune qui constitue le plus d’intérêt. D’une manière générale, l’archipel constitue la troisième voie de migration la plus importante pour les oiseaux de la méditerranée (MedWetCoast, 2003). Les deux espèces de puffin et le goéland d’Audouin sont des espèces vulnérables et qui suscite un intérêt pour la conservation à l’échelle national ainsi qu’international.  En effet, ces espèces voient leurs effectifs s’améliorer par suite des différentes missions et campagnes de dératisation dans l’îlot dès 2009. Ce rongeur invasif représentait une réelle menace pour ces espèces dans l’îlot. On trouve aussi le goéland d’Audouin (Larus audouini) et le Cormoran huppé (Phalacrocorax aristelis), le faucon pèlerin (Falco peregrinus). Les inventaires botaniques qui ont eu lieu sur Zembretta, n’ont pas signalé des espèces présentant un réel intérêt patrimonial à part la récente intrusion des puffins Yelkouan qui nichent actuellement sur l’îlot d’une part Notons que le du chou « Brassica cretica subsp. atlanticus » signalé en 1953 semble avoir disparu selon les prospection des missions PIM sur l’îlot en 2008.

 

Plusieurs espèces patrimoniales marines listées dans les annexes II et/ou III de la convention de Barcelone sont observées dans la partie marine de l’îlot. Notamment, l’herbier de Posidonie (Posidonia oceanica) qui est une espèce endémique de la Méditerranée et la cymodocée (Cymodocea nodosa). La patelle géante (Patella ferruginea) qui est un invertébré marin endémique des côtes rocheuses de la méditerranée occidentale, se trouve avec des densités importantes dans l’archipel et plus particulièrement autour de l’îlot. Zembra et Zembretta constituent la station  la plus orientale dans le bassin méditerranéen.  Ce qui fait de l’archipel un “hotspot” pour la conservation de cette espèce. Les mammifères marins sont observés aux alentours de l’îlot comme le Grand Dauphin (Tursiops truncatus). L’archipel recèle également de vestiges archéologiques antiques parfois assez bien conservés.

L’avifaunes marine : un intérêt majeur pour la conservation sur Zembretta


Le puffin de méditerranée (Puffinus yelkouan)

Le puffin de méditerranée est une espèce vulnérable (UICN) inscrite dans Annexe II de Convention de Barcelone; dans l’annexe I de la Directive oiseau; dans l’annexe II de la convention de Berne. Il est exclusivement rencontré dans l’îlot de Zembretta, où elle constitue le seul site de nidification en Afrique du Nord pour cette espèce. Depuis 2008 le nombre de colonies n’a cessé d’augmenter (8 couples) pour dépasser 150 en 2011. Les missions entretenues par l’initiative PIM ont été très bénéfiques pour l’installation de cette espèce dans l’îlot. En effet, depuis 2009 l’impact positif de la dératisation est ressenti, permettant ainsi l’installation de plus de 50 couples sur Zembretta et son îlot satellite Zembrettina et y nichent régulièrement.

 

Le goéland d’audouin (Larus audouinii)

Le Goéland d’Audouin est un Laridé d’assez grande taille dont la tête, le cou et le ventre restent d’un blanc pur toute l’année. Le manteau et le dessus des ailes sont d’un gris très pâle. Cette espèce est inscrite à l’annexe I de la Directive Oiseaux aux annexe I et II de la Convention de Bonn, à l’annexe II de la Convention de Berne et listée en catégorie A1a et 3a de l’AEWA (populations reproductrices d’Afrique Nord-Ouest/ Europe Ouest).  Il existe essentiellement autour de la méditerranée et dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest. Sa fragilité et de la rareté de son habitat (îles rocheuses, falaises, …), en fait une des espèces patrimoniales méditerranéennes qui, au niveau de la Tunisie, ne nidifie que sur l’archipel de La Galite et de Zembra. Une colonie nichant de quelques dizaines de couples est présente sur l’archipel ; notons que cette colonie était observée sur l’île principale de Zembra, toutefois, à la suite de la dératisation de Zembretta en 2009, elle s’est installée sur cette îlot où on a compté 53 couples nicheurs en 2013. 

Pressions


   

Les pressions exercées sur Zembretta sont multiples. Le premier facteur qu’on peut citer :

 

La présence des espèces non indigènes dans l’archipel introduites volontairement ou non par l’homme. Ces espèces peuvent être une réelle menace pour l’équilibre écosystémique sur l’archipel. En ce qui concerne les espèces exotiques marines, on signale la présence de l’algue verte Caulerpa racemosa et Caulerpa taxifolia qui ont un potentiel invasif avéré sur l’archipel.

 

La pêche illicite aux alentours de l’archipel, que ce soit professionnel ou récréatif. Cette activité est conduite moyennant des engins passifs tels que les palangres et/ou les filets maillants ou actifs comme la senne ou le chalut. Les engins délaissés sur le fond rocheux par ces opérations de pêche frauduleuses se transforment en filet fantôme causant la mortalité de plusieurs espèces. Ce qui engendre une détérioration de toute la zone impactée par le filet fantôme. A cela s’ajoute l’effet du mouillage des plaisanciers sur le site causant des dommages assez importants sur les herbiers de Posidonie et sur d’autres habitats sous-marins. 

 

L’intrusion de pêcheurs sur Zembretta est une nuisance pour les oiseaux notamment pour le Puffin Yelkouan, et enfin la braconnage de la patelle géante mettant en danger l’intégrité de cette population.

Gestion & Conservation


Après l’étape de piégeage manuel des rats noirs, la seconde phase de piégeage chimique sécurisé ( © Ridha Ouni)

En 1973, Zembra est la première île de l’archipel qui a été décrété comme une zone de protection biologique par un décrété la première zone de protection Zembra a bénéficié d’abord d’une protection. En 1973. Ce n’est qu’en mars 1977, que la protection de Zembretta voie le jour avec l’inscription de tout l’archipel sur la liste des réserves de la Biosphère (MAB) de l’UNESCO. Ainsi, l’archipel de Zembra et Zembretta est le plus ancien Parc national en Tunisie et le premier ayant à la fois un statut national qu’international. En 2001, l’archipel est déclaré « Aire Spécialement Protégée d’Importance Méditerranéenne » ASPIM et une « zone importante pour la conservation des oiseaux » ou ZICO par BirdLife international. Dictant ainsi son importance à l’échelle méditerranéenne et mondiale pour la conservation des oiseaux de manière générale et plus particulièrement pour le puffin de Scopoli.

 

 

La gestion de l’archipel proprement dit reste tributaire du cadre juridique. La loi 49-2009, pour la création et la gestion des AMCP tunisiennes se fait attendre plusieurs années. En mai 2014, les lois et décrets d’application sont promulgués instaurant ainsi un cadre réglementaire pour la gestion des AMCPs à travers l’Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral (APAL). Mis à part les missions scientifiques sur l’archipel, appuyées par l’initiative PIM, les actions de conservation de la diversité biologique se font rares en dehors bien entendu de l’éradication des rats noirs qui a généré des résultats tangibles, en l’occurrence la nidification spectaculaire du puffin Yelkouan. En 2020 une approche de cogestion entre l’APAL et l’association ASPEN voit le jour pour la mise en place des actions établie dans le plan de gestion de 2018. Cette cogestion avec l’appui du Medfund donne une autonomie de fonctionnement pour l’ASPEN afin de mettre en place les actions de gestion concrète notamment la sensibilisation, les actions de restauration, la valorisation du patrimoine culturel et la réhabilitation des habitats et des espèces endémiques. 

 

On notera également la mission expérimentale de translocation de la patelle géante de Zembretta à la Galite, effectuée par l’APAL  où l’espèce surconsommée a disparu. Il s’agit d’un bon début malgré le peu d’individus retrouvés vivants à la Galite après cette expérimentation.

Principales ressources bibliographiques


  1. Awatef ABIADH, 2012. Suivis naturalistes de l’archipel de Zembra et Zembretta. Note naturaliste Initiative PIM.

  2. Deleuil R. et Labbé A., 1954. Flore de Zembretta. Mémoires de la société des Sciences Naturelles de Tunisie n°2 : 13-14.

  3. E.B., « Djamour », Encyclopédie berbère [En ligne], 16 | 1995, document D58, mis en ligne le 01 juin 2011, consulté le 24 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/2170 ; DOI : https://doi.org/10.4000/encyclopedieberbere.2170.

  4. SPA/RAC, 1986. Etude de cas en Tunisie. Synthèse des études relatives à la partie terrestre de l’Ile de Zembra. Tunis 52 p.

  5. El Hili A., 2002 La faune (mammifères et oiseaux). In Conservation des zones humides littorales et des écosystèmes côtiers du Cap Bon. Rapport de diagnostic des sites. Sites de Zembra et de Zembretta, Ministère de l’Environnement et de l’Aménagement du Territoire, Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral, MedWetCoast, pp. 27- 39.

  6. Oueslati A., 1995. Les îles de la Tunisie, Paysages et milieux naturels: Genèse, évolution et aptitudes à l’aménagement d’après les repères géomorphologie, de l’archéologie et de l’occupation humaine récente. Secrétariat à la recherche Scientifique et à la Recherche Scientifique et à la Technologie, Université des Lettres, des Arts et des Sciences Humaines de Tunis I, centre d’Etudes et de Recherches Economiques et Sociales de Tunis. Série géographique N°10. Tunis. 368 p.

  7. Chelbi F., Zembra et Zembretta (Tunisie) « îles Jamour ». Les Aegimures de l’antiquité : recherches archéologiques et historiques, dans Africa, XXIII, 2013, p. 61-81, 27.

  8. Médail F. & Véla E., 2020. Flore et végétation vasculaires de l’archipel de Zembra (Tunisie nord-orientale). Note naturaliste PIM, Marseille : 67 p.

  9. Nouira S., 2001. MedWetCoast”conservation des zones humides littorales et des écosystèmes côtiers – Cap Bon”. RAPPORT DE DIAGNOSTIC DES SITES Partie relative à l’HERPÉTOFAUNE. 34p.

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