ISSN 2970-2321

Cette fiche a été rédigée dans le cadre du projet d’Atlas encyclopédique des Petites Iles de Méditerranée, porté par le Conservatoire du Littoral, l’Initiative PIM, et leurs nombreux partenaires.
This sheet has been written as part of the encyclopedic Atlas of the Small Mediterranean Islands project, carried out by the Conservatoire du Littoral, the PIM Initiative and their numerous partners.
(https://pimatlas.org)

ILES

Cluster : Oran

Sous-bassin : ALGERIE

Sbiaat île Ouest

Contributeur : Tarik Mokhtari

 Date de création : 19 Décembre 2017

 

Pour citer cette version : MOKHTARI, T.  (2017). Fiche île : Sbiaat île Ouest – Sous-bassin : Algérie. Atlas of Small Mediterranean Islands. https://pimatlas.org/explorer-atlas/iles/sbiaat/

Sbiâat Ile Ouest (Bing Maps)
Progil - Sbiatt Ouest
Commune

Ain Temouchent

Archipel /
Surface (ha) 0,35
Linéaire côtier (mètre) /
Distance à la côte (Mile nautique)

0.0756

Altitude max (mètre) /
Coordonnée géographiques Latitude
35.54527778
Longitude
-1.20186667
Propriété foncière /
Gestionnaire(s) /
Statut de protection national /
international /

Description générale


Situé au sud-ouest du Cap Figalo dans commune de Msaid (wilaya de Aïn-Temouchent), l’archipel de Sbiaat est appelé “les 3 îles” par les Sasselois; il est constitué en réalité de 4 îles et une presqu’île à quelques mètres seulement d’une grande plage de sable fin de plus de 1 kilomètre de longueur. Pendant longtemps, l’archipel n’était accessible que par voie maritime. Il était fréquenté par les plaisanciers et les pêcheurs venants des plages de Bouzedjar à l’est ou la plage de Sassel à l’ouest. Quelques habitants du village de Msaid s’y rendent aussi régulièrement pour pratiquer la chasse sous-marine ou la pêche avec des cannes a partir des bords de la presqu’île. L’archipel est situé en bas d’une falaise, la piste difficilement praticable qui reliait la route du littoral à la plage a été rénovée, élargie et goudronnée au début des années 2000 ouvrant l’accès aux touristes qui découvraient pour la première fois ce très beau site. Un zone de parking a été aménagée au bord de la plage, un poste de gendarmerie et un poste de premiers secours ont été crées. L’archipel est resté naturel et sauvage, il n’y a pas de phare, il n’y a aucune habitation sur les îles, pas d’abri, quelques courageux font la traversée à la nage et s’aventurent sur les îles de Sbiaat mais la majorité des touristes restent sur la plage a contempler ce site paradisiaque.

Connaissances


Poussin Goéland leucophée

Il n’existe pas de publications scientifiques concernant l’archipel de Sbiaat disponibles sur internet. Ces îles sont peuplées essentiellement de goélands leucophées présents en très grande quantité; quelques rares pigeons ramiers ont été observés également. Sur le plan botanique, les îles sont revêtues d’arbustes et de quelques plantes, on note principalement la présence d’Anthemis chrysantha, une espèce endémique de la mer d’Alboran, Sonchus tenerrimus une espèce endémique de la région oranaise et d’autres jolies fleurs telles que Allium subvillosum ou Frankenia corymbosa. En ce qui concerne les poissons, leur quantité a beaucoup diminuée au cours des 20 dernières années suite à la pêche excessive, les espèces les plus fréquentes sont la badèche(Epinephelus costae), en moindre quantité le mérou brun(Epinephelus marginatus), les saupes, les sars, les rougets et les mulets. On note de moins en moins la présence de vives royales et de corbs(Sciaena umbra), 2 espèces très présentes auparavant. Les pêcheurs au filet avait l’habitude de prendre régulièrement des requins de sable et des requins-marteau. Ces prises deviennent exceptionnelles de nos jours. Un phoque-moine fréquentait l’archipel et le Cap Figalo, il dérangeait les pêcheurs, car il se servait dans leurs filets de pêche sans jamais s’y prendre. Au milieu des années 80, un pêcheur de Sassel a voulu l’exterminer. Armé d’un fusil de chasse, il a fait une sortie en mer a sa recherche, il a renoncé a le faire à la dernière minute. Ce phoque moine a définitivement quitter les lieux à la fin des années 1980.

Intérêts


C’est une très belle destination touristique fréquentée de nos jours par des touristes venants d’Aïn-Temouchent ou des wilayates limitrophes (Oran, Sidi Bel Abbes et Tlemcen). La majorité d’entre eux restent sur la grande plage de sable fin sur la côte. Quelques uns s’aventurent sur les îles de l’archipel. Jusqu’aux années 1990, les fonds marins aux abords de l’archipel étaient très poissonneux. Lors des dernières décennies, le nombre de bateaux fréquentant l’archipel et le nombre de pêcheurs ont considérablement augmentés rendant les prises de poissons de plus en plus rares. Les plongeurs peuvent toujours se consoler en allant explorer les épaves au large de l’archipel, il en existe au moins 2 dont « The City of Perth ». Ce navire anglais faisait partie d’un convoi qui devait rallier Annaba à Liverpool, il a été torpillé par un sous-marin allemand le 26 mars 1943, ses vestiges comprenant les canons et les imposantes hélices se trouvent à 18 mètres de fonds dans la baie entre l’archipel et le Cap Figalo. C’est un spot de plongée privilégié pour les plongeurs scaphandriers ou les apneistes confirmés.

Les ruines du cabanon de Louis Girardet situées sur la presqu’île représentent une curiosité. On devine l’aménagement du cabanon avec son coin cuisine, sa cheminée, ses espaces de rangement, le quai pour le bateau, le système de récupération des eaux pluviales et ses réservoirs, le treuil pour remonter le bateau sur l’île et les vestiges du système de tyrolienne entre l’île et le continent qui permettait à monsieur Girardet de faire la traversée tout en étant suspendu dans les airs quand la mer était agitée. 

ENCADRE : La presqu’île de Girardet


Fils unique et descendant d’une famille qui s’était installée en Algérie dès le début de la colonisation en 1840, Louis Girardet avait hérité de son père de terres agricoles aux alentours du village de Hassi El-Ghella(Er -rahel anciennement). Il avait la chance d’avoir 2 ouvriers sur lesquels il pouvait compter, un espagnol et un algéro-marocain. Comme il était passionné par la nature, il leur déléguait la gestion de ses terres et menait une vie au plus près de la mer. Il a fait construire une maison sur pilotis à la plage de Sassel. De la, il sortait régulièrement en bateau à la découverte de cette belle partie du littoral méditerranéen. En visitant l’archipel des 3 îles près du Cap Figalo, il est tombé sous le charme de cet endroit paradisiaque. Un beau jour une idée folle lui a traversé l’esprit : « et si je construisais un cabanon sur la presqu’île ? ». Il n’a pas hésité a concrétiser ce projet hors du commun. Après tout, sa femme de nature casanière s’occuperait de l’éducation de Georges et Christian leurs 2 enfants, ses ouvriers étaient performants, il leur faisait confiance et les terres agricoles étaient bien fertiles. Tout cela ne lui demandait pas beaucoup de présence physique. Le Cabanon réalisé était constitué d’une seule pièce de 4 mètres de long sur le côté est de la presqu’île, bien protégé des vents d’ouest. Il y avait un petit coin cuisine, une cheminée creusée dans la roche et quelques espaces de rangement. Il était à proximité directe d’un petit abri naturel où il pouvait accoster son bateau de 6 mètres. Au-dessus de son cabanon il a conçu un système pour récupérer l’eau de la pluie qui se déversait dans un petit bassin. Cette eau il s’en servait pour prendre sa douche et faire le ménage mais pas pour boire. Il amenait son eau potable du village de Bouzedjar ainsi que des batteries pour éclairer la lampe de son cabanon. La particularité de la presqu’île du Cap Figalo c’est que le cordon de sable qui la relie à la plage de Sbiaat n’est pas très large. Quand la mer s’agite, la presqu’île devient île et son accès n’est plus possible ; alors pour éviter de se retrouver bloquer dans son cabanon, Louis Girardet a conçu un système de tyroliennes, il a scellé 2 poteaux, un sur les hauteurs de l’île et un sur la falaise en face et à l’aide d’un câble, des roulettes et des poulies il pouvait se rendre sur l’île ou sur la plage. Des vestiges de ce système ingénieux sont encore visibles de nos jours sur l’île, ainsi que le treuil qui lui servait pour hisser son bateau par mauvais temps. Louis Girardet allait à la pêche tous les jours en face des îles ou au large du Cap Figalo. Il calait des nasses grâce auxquelles il prenait de grosses langoustes. Celles-ci étaient stockées dans le petit vivier de 2 mètres de large qu’il avait conçu sur la presqu’île. Il avait un ouvrier qui l’aidait pour ses sorties en mer, ce dernier n’était rémunéré que par l’argent de la vente des langoustes et il n’en manquaient pas au village de Bouzedjar. Il vivait seul sur sa presqu’île, son voisin le plus proche était monsieur Guitard qui avait construit un cabanon à l’extrémité de la baie au pied du Cap Figalo. Ils étaient les seuls occupants de toute cette région et à titre symbolique et honorifique, les autorités ont accordé à monsieur Girardet le titre de garde-pêche et garde-chasse. Cette vie paisible de solitaire en parfaite symbiose avec la nature aura duré jusqu’à l’âge de 59 ans. Monsieur Girardet se voyait vieillir sur sa presqu’île mais le destin en a décidé autrement. Le 5 juillet 1962 l’indépendance de l’Algérie est proclamée, la guerre est finie. Un grand soulagement pour les Algériens qui fêtent leur victoire pendant que les Français font leurs valises. Ce jour-là le hasard et la malchance fait que Louis Girardet se trouve au centre-ville d’Oran où règne une confusion totale. Des centaines de français sont massacrés (350 à 3000 selon les sources) et il en fera partie. S’il était reste sur sa presqu’île personne ne serait venu l’embêter. Vingt ans après Georges son fils est retourné dans son pays natal, c’était un voyage chargé d’émotions, il a revu son village et la plage de Sassel qui l’ont vu grandir. Accompagné de kader (Kadrika)un ami d’enfance, ils ont pris une petite barque et longé cette belle côte que son père chérissait au point d’y consacrer toute une vie. En Arrivant à la presqu’île tant d’images traversent son esprit, chaque rocher lui rappelle un souvenir d’enfance, un moment exceptionnel passé avec son père. Rien n’a changé ou presque, une route a été construite et la plage en bas de la falaise d’argile autrefois vierge est devenue accessible. Ce jour-là des dizaines de personnes sont présentes sur la plage, sur la presqu’île et aux abords du cabanon que son père avait bâti. Il est loin le temps où on pouvait profiter seul de ce site féerique qui porte désormais le nom de Girardet.
Tarik Mokhtari

Pressions


La grande plage de Sbiaat est l’une des plus belles plages d’Algérie. Avant qu’elle ne soit accessible il y avait peu de d’impact de pollution hormis les déchets ramenés par la mer lorsque cette dernière était agitée. Depuis que la plage est accessible, l’afflux massif de touristes a amené son lot de pollution. Les bouteilles, les sacs de plastiques et autres détritus sont malheureusement nombreux sur la plage notamment en fin de journée de week-ends d’été. En dehors de la saison estivale la plage retrouve un bon état de propreté. Au printemps, quelques rares personnes prélèvent les œufs des goélands leucophées des nids sur les îles. Il nous a été rapporté que cette pratique se faisait déjà auparavant(témoignage des années 1940), cela ne semble pas avoir d’impact significatif, une visite sur le terrain en avril 2015 retrouve une quantité très importante de goélands, de nids et d’oeufs.

Vu la beauté du site, plusieurs investisseurs notamment étrangers ont été tentés de monter des projets touristiques. Ils ont renoncé a leurs projets du fait du manque d’accessibilité au site, il faut rappeler aussi que Sbiaat n’est pas alimentée en eau courante ni en électricité. La direction du tourisme de la wilaya de Aïn Temouchent de 2007 classe le site en ZET(Zone d’Extension Touristique) et propose le site aux investisseurs. Avec l’ouverture de l’accès à la plage, cela les encouragera peut être. La particularité de l’Algérie c’est qu’il existe encore de grandes bandes du littoral méditerranéen, parfois de plusieurs dizaines de kilomètres totalement vierges. Vu l’élan démographique et le développement de l’urbanisme ces dernières décennies, il est évident que cette région fera l’objet d’un projet touristique tôt ou tard. On espère qu’il se fera en harmonie avec la nature. un tel projet concernera à priori la parcelle de terrain en face de la presqu’île. le reste de la plage étant en bas d’une falaise. Les îles ne semblent pas être menacées par l’urbanisation.

Enfin, la nidification du Goéland leucophée, seule espèce d’oiseau marin nicheur présente sur l’île, entraine des perturbations manifestes à l’instar de l’ensemble des îles sur lesquelles s’installent les colonies : apports de détritus et perturbation des communautés végétales en favorisant le développement des espèces rudérales. Les populations restent cependant relativement faibles. Le recensement effectué en 2015 relevait la présence de 34 couples seulement. Les collectes d’œufs de Goéland, pratiquées à l’époque par les gardiens de phare, sont aujourd’hui anecdotiques.

Gestion & Conservation


En arrivant sur le site, on peut lire sur une panneau “Ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement, Espace terrestre et marin remarquable”. Le panneau rappelle qu’il est interdit de prélever des fleurs, de ramasser des espèces protégées telles que les tortues et qu’il est interdit de jeter des ordures. Ces dernières années, pendant les saisons estivales des compagnes de sensibilisation sont organisées pour informer les touristes et les encadrer pour la préservation de la nature. Ces compagnes ont été organisées par le ministère de l’environnement et par la direction du tourisme de la wilaya de Aïn-temouchent.

Principales ressources bibliographiques


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