ISSN 2970-2321
ISSN 2970-2321
Cluster : Oran
Sous-bassin : ALGÉRIE
Contributeur : Tarik MOKHTARI
Date de création : 19 Décembre 2017
Pour citer cette version : MOKHTARI, T. (2017). Fiche île : Plane / Paloma – Sous-bassin : Algérie. Atlas of Small Mediterranean Islands. https://pimatlas.org/ile-plane-paloma
Commune | Oran | |
Archipel | ||
Surface (ha) | 2,7 | |
Linéaire côtier (mètre) | 630 | |
Distance à la côte (Mile nautique) | 2,862 | |
Altitude max (mètre) | 17 | |
Coordonnée géographiques | Latitude |
35.770943
|
Longitude |
-0.901712
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Propriété foncière | Domaine public de l’Etat (100%) | |
Gestionnaire(s) | / | |
Statut de protection | national | / |
international | / |
L’île Plane ou Paloma comme l’appelle les Oranais est une petite île de 2,7 hectares de superficie entourée d’une dizaine de petits rochers. Elle est située 25 km au Nord-Ouest d’Oran et à 7 km en face des plages de Andalouses et de Bousfer sur la corniche Oranaise. C’est une destination privilégiée pour les pêcheurs, les plongeurs ou tout simplement les plaisanciers qui veulent passer une journée en mer et faire une halte dans un endroit féerique. Ils en gardent un souvenir émerveillé.
L’île fait 300 mètres de long et possède 2 petits abris naturels, l’un à l’est et l’autre à l’ouest. On peut amarrer son bateau sur le petit quai et débarquer sur l’île en toute sécurité. Après avoir monté l’escalier et sa dizaine de marches, on observe sur la gauche une petite grotte dont le devant avait été clôturé par un mur, des vestiges d’une porte et d’une fenêtre rappellent que cet endroit avait été occupé autrefois par des pêcheurs qui restaient 2 ou 3 jours sur l’île. Au fond il y a même une cheminée naturellement creusée dans la roche et des feux de bois était fait a cet endroit; les diners étaient souvent composés de bonnes paellas garnies de poissons pêchés le jour-même.
En avançant vers l’ouest, on peut emprunter le petit sentier qui mène sur les hauteurs de l’île. Ce sentier redescend vers une crique bien protégée du vent d’est où l’on peut passer un agréable moment pour nager ou pique-niquer. Il n’existe pas de plage à proprement dit, les visiteurs se contenteront des rochers peu confortables pour poser leurs affaires avant de se mettre à l’eau.
Au sommet, à quelques 17 mètres d’altitude un joli petit phare domine l’île. Alimenté grâce a un petit panneau solaire sur sa partie supérieure, il aide les marins à la navigation. Il sert de repères pour les pêcheurs locaux ou pour les bateaux plus imposants (transports de voyageurs ou bateaux de commerce) qui se dirigent vers le port d’Oran de nuit. Une construction adjacente au phare servait de local technique pour la maintenance du phare. Dans les années 80 et jusqu’au début des années 90, ce local était utilisé et partagé par tous les pêcheurs qui fréquentaient l’île. On pouvait y trouver un petit coin cuisine avec quelques ustensiles, un lit, une petite table et des chaises. La tradition voulait que chacun avant de quitter l’île pour le continent y laissait ses restes, ca pouvait être des allumettes, une bouteille d’eau, des boites de conserve ou tous aliment non périssable. C’était une pratique conviviale qui a disparu avec le temps et c’est bien dommage.
Le contour de l’île est composé de rochers dont l’accès est difficile, il n’est fréquenté que par quelques pêcheurs à la canne qui se donne leur passion favori. Souvent ils sont déposés en bateaux par des pêcheurs venant de la plage de Bousfer ou la plage de Corales moyennant une modique rémunération. La majorité d’entre eux viennent pour la journée mais quelques courageux s’organisent pour bivouaquer quelques jours sur l’île. Ce n’est pas tant l’attrait du gain qui les motivent car les prises ne sont pas fabuleuses, mais c’est plus pour passer un moment sur l’île, loin de la pollution et du vacarme de la ville.
Sur le plan halieutique, Il n’y a jamais eu d’inventaire précis fait par des biologistes marins mais pour les plongeurs qui fréquentent l’île d’une manière assidue depuis des années et qui ont eu l’occasion de plonger ailleurs sur le littoral algérien ou dans d’autres pays, ils s’accordent tous a dire que les fonds marins de l’île plane sont parmi les plus beaux de Méditerranée. Il existe une grande variété dans les reliefs sous-marins, les habitats sont propices pour accueillir un grande biodiversité. D’après les récits et les photos des vieux plongeurs, on retrouve des pêches fabuleuses. Avec le temps les quantités de poissons qui sont la cible de pêche ont beaucoup diminué (Mérous, daurades, sars, rougets…), mais il persiste des quantité impressionnantes d’autres poissons. En s’immergeant dans l’eau, on est de suite accueilli par des bancs de milliers de bogues(Boops boops), au fond, il y a énormément de petits poissons tels que les castagnoles(Chromis chromis), les girelles royales(Coris julis) et les barbiers(Anthis anthias). En quantité moins importante on trouve des girelles paon(Thalassoma pavo) mais plus que sur la rive nord de la Méditerranée, on trouve aussi des espèces plus classiques telles que les saupes(Sarpa salpa), les oblades(Oblada melanura), les gobies et les blennies et plusieurs espèces de mérous. L’espèce la plus commune est la badèche(Epinephelus costae), il y a aussi des mérous bruns(Epinephelus marginatus) et en quantité moins importante, principalement au niveau du seco negro des mérous royal(Mycteroperca rubra). La flore sous-marine est exceptionnelle et riche en couleurs, on trouve des grandes gorgones, des anémones aux couleurs vives et une multitudes d’autres espèces qui mériteraient d’être étudiées et inventoriées. A plus grande profondeur, au delà des 50 mètres, il y a du corail rouge(Corallium rubrum), mais pas en grande quantité et de moins bonne qualité de celui qu’on trouve à l’est du pays.
Lors d’un mission PIM(Petites Iles de Méditerranée) en avril 2008 consacrée principalement à l’étude des îles Habibas, une demi-journée avait été consacrée à l’île plane, des observations en ornithologie, herpétologie et botanique ont été faites dont le rapport fait par Vincent Mouret est disponible sur le site internet de l’initiative PIM. Selon ce rapport, l’île Plane ne semble pas atteindre la qualité de la réserve naturelle des Iles Habibas en terme de biodiversité, mais elle reste toutefois un espace naturel intéressant pour différentes espèces et devrait à ce titre pouvoir obtenir un statut de protection avec une réglementation pour sa partie terrestre et marine.
sur le plan ornithologique, l’espèce prédominante sur l’île est le goéland leucophée, il n’a pas été procédé à un inventaire précis mais il a semblé y avoir une cinquantaine de nids sur l’île. 6 et 7 cormoran huppé(adultes et juvéniles) ont été observés à la pointe est et le long de la côte nord de l’île. Il n’a pas été observé de puffins cendrés. Plusieurs pigeons bisets nichent sur l’île. Il a aussi été observé 2 faucons crécerelles en vols au dessus du phare sans preuves de nidification ainsi que 6 martinets pâles.
Sur le plan herpétologique, 3 espèces de reptiles ont été observées et aucun amphibien. Le lézard à lunettes (Scelarcis perspicillata) présent en nombre sur l’île(18 individus observés) est l’espèce prédominante, il a été observé aussi 4 seps ocellé(Chalcides ocellatus tiligugu) et 2 tarentes de Mauritanie(Tarentola mauritanica mauritanica).
Sur le plan botanique, 10 espèces ont été inventoriées lors de la mission PIM d’avril 2008, ils sont réparties en deux groupements végétaux, un groupement halophile à Asteriscus maritimus sur la partie nord de l’île avec comme espèces retrouvées Limonium psilocladon, Cynomorium coccineum et suaeda vera, et un autre groupement végétal plus en hauteur sur l’île correspondant à un peuplement nitrophile; Ce groupement est dominé par des espèces telles que Lavatera mauritanica, Mesembryanthemum crystallinum, Mesembryanthemum nodiflorum et Chenopodium murale. Cette formation est le résultat de la présence de nombre important des goélands leucophées, de leur piétinement et leurs déjections. La dynamique végétale est lente sur l’île Plane et cela est dû a la présence d’un sol aride, de vents forts et l’absence de source d’eau ce qui sélectionne les espèces végétales les plus adaptées aux contraintes du climat.
ENCADRE : Le naufrage du Borysthène à l’île Plane
Le 15 décembre 1865 l’île Plane a été le théâtre d’un des plus dramatiques naufrages de l’histoire de la côte algérienne. Le Borysthène avait été lancé en 1853 à Birkenhead, en Angleterre sous le nom de Braziliera, il avait navigué pendant 2 ans pour la société « South American and Général Stream Navigation Compagnie », avant d’être racheté par une société française « La Compagnie des Messageries Impériales » qui le rebaptisa Borysthène. C’était un beau paquebot à voile et à vapeur de 75 mètres de long, il avait une juge brute de 1158 tonnes. Le 13 décembre 1865, Il avait pris le départ de Marseille avec ses 257 passagers et devait rallier Oran. Le Borysthène était presque arrivé à destination, la mer était agitée lorsque soudain un craquement terrible se fit entendre. Il fût suivi de violentes secousses. Le Borysthène venait de percuter l’île Plane. Charié par le vagues, il commençait a prendre l’eau et a couler doucement. A cette époque-là, l’île n’était pas répertoriée sur les cartes maritimes et elle n’était pas encore dotée d’un phare. Parmi les passagers beaucoup ne savaient pas nager, il y avait des femmes, il y avait des enfants, la scène était horrible, ils ont affronté la mort dans des conditions terribles, c’était l’hiver en pleine nuit dans une eau glaciale tout le monde faisait ses prières et ses adieux, les rescapés ont rejoint l’île. Ils ont fait du feu avec des planches des canots brisés et accroché des mouchoirs blancs en haut de grands bâtons pour être repérés. Le lendemain vers midi des corailleurs espagnols sont venus vers eux, ils ne pouvaient pas accoster. Ils leur ont jeté un sac avec des biscuits, du pain et du tabac et ce n’est que le surlendemain que 5 balancelles espagnoles sont venues les récupérer pour les emmener au port d’Oran où une foule immense les attendait. 70 passagers manquaient à l’appel. Un siècle et demi après ce naufrage, il persiste quelques vestiges de ce voilier entre 10 et 18 mètres de profondeur sur la face nord de l’île, ils ont été colonisés par les gorgones et les anémones. Une plongée sur ces vertiges est toujours émouvante; en plus de la beauté du site et la richesse de sa faune sous-marine, on s’imagine le naufrage, la détresse des passagers en cette nuit de janvier 1865, la mer déchaînée, l’agonie de ceux qui seront portés disparus et ne rejoindront jamais la terre ferme, le froid, la faim, la douleur des rescapés. Ces vestiges nous rappellent l’histoire du Borysthène, et de son tragique naufrage.
Référence : “Les naufrages célèbres” de Zurcher et Margollé. aux éditions “l’ancre de marine”.
Tarik Mokhtari
Le grand intérêt de l’île Plane réside dans la richesse de ses fonds marins. Le pourtour de l’île est riche en tombants, roches, grottes et failles. La Biodiversité y est remarquable, elle est probablement l’une des plus riches sur tout le pourtour méditerranéen selon les experts en biologie marine qui ont eu l’occasion de visiter cet endroit. La zone de plongée est vaste, il existe plusieurs spots à des profondeurs variables et quelques 2 kilomètres au large au Nord et au Nord-Ouest après que la profondeur ai atteinte quelques 80 mètres, une zone difficilement accessible aux plongeurs, 2 secs se dessinent, le Seco Blanco qui remonte jusqu’à 6 mètres de fond et le Seco Negro qui remonte jusqu’à 8 mètres. Dans ces sites la, il est fréquent de croiser des poissons de tailles imposantes tels que des mérous de tous genre(mérou brun, mérou royal ou badèche), des liches ou des dentis. La grotte la plus profonde du Seco Blanco possède une entrée à 24 mètres de fond et après plusieurs galeries sinueuses habitées principalement par de grosses mostelles qui vivent dans une obscurité absolue, un faisceau de lumière oriente le plongeur vers la sortie qui s’élargie de plus en plus pour devenir imposante. Tapissé par de grandes gorgones, cette dernière se trouve à 37 mètres de fond. D’autres espèces habitent dans cette grotte telles que les corbs, les badèches et plusieurs espèces de crabes.
Plus près de l’île, sur sa partie Nord la présence de vestiges de l’épave du Borysthène représente une plongée intéressante vue l’importante historique de ce naufrage qui avait été l’un des plus dramatiques qu’ai connue la côte oranaise faisant 70 morts en janvier 1865. Plus d’un siècle et demi après le naufrage, le Borysthène n’a pas révélé tous ses secrets et un chantier de fouilles archéologiques permettrait de faire de belles découvertes. L’épave se trouve entre 10 et 18 mètres, une profondeur confortable pour les scaphandriers professionnels qui se lanceraient dans cette fouille la.
Il n’y a pas eu d’inventaires botaniques ou ornithologiques qui ai été réalisés sur l’île Plane. Cela fait d’elle un terrain d’études intéressant pour les universitaires ou les naturalistes car le terrain est vierge dans ces domaines la. Ces inventaires sont intéressants, et il est urgent de les faire car la découverte de richesses ou d’espèces protégées appuierait le dossier de classement de l’île.
La faible superficie de l’île Plane ne permet pas l’accueil en nombre de touristes ou de pêcheurs, malheureusement avec le temps, on observe de plus en plus de monde qui fréquentent l’île. Il y a des jours où il y a plusieurs dizaines de pêcheurs à la canne installés sur tout le pourtour de l’île et il semble difficile de réguler ce flux. Le nombre de chasseurs sous-marins ne cesse aussi d’augmenter. Nous observons avec le temps une baisse importante des richesses halieutiques, il n’y a aucune règlementation de chasse sous-marine qui soit instaurée pour préserver les espèces, les chasseurs sous-marins tirent sur des poissons de plus en plus petits . Certains n’ont pas de scrupules pour braconner des mérous juvéniles de quelques centaines de grammes. D’autres pêcheurs témoins tentent de les sensibiliser sans grande efficacité. Cette situation risque inéluctablement de s’aggraver sauf si des mesures urgentes sont prises telles que l’implication des gardes-côtes pleinement dans la protection des richesses halieutiques en appliquant des restrictions de pêche en fixant des quotas pour les pêcheurs et chasseurs amateurs ou des tailles minimales des prises. La mise en réserve de l’île Plane avec des zones d’interdiction totale de pêche devrait aussi être une mesure imposante qui donnerait des résultats rapides et plus efficaces pour la préservation des espèces.
Il ne semble pas y avoir de braconnage d’œufs de goélands leucophées; En tous les cas la population imposante de goélands n’est pas impactée, elle se maintient avec le temps, ce qui semble même gêner l’hypothétique installation de goélands d’Audouin présents sur l’archipel voisin des îles Habibas. Il n’a pas été noté la présence de rats noir(Rattus rattus) sur l’île.
Malgré ses 1644 kilomètres de côte méditerranéenne, très peu d’espaces marins bénéficient d’un statut de protection en Algérie, un projet de créations de nouvelles aires marines protégées est en cours et l’île Plane possède toutes les caractéristiques pour en faire partie. L’idée qui avait été émise il y a quelques années par les autorités algériennes consistait a créer 14 aires marines protégées sur les 14 wilayates côtières.
C’est un long processus qui dure plusieurs années et il faut au préalable monter un dossier mettant en avant les atouts dont disposent ces sites pour pouvoir espérer bénéficier d’une concrétisation de ce projet de classement. Dans cette optique la, l’association d’écologie marine Barbarous a initié un travail d’études et de valorisation de l’île Plane en 2015. Ce projet PPI-OSCAN(Programme de Petites Initiatives pour les Organisations de la Société Civile d’Afrique du Nord) intitulé « Conservation et utilisation durable de l’île Plane » est cofinancé par le MREE(Ministère des Ressources en Eau et de l’Environnement) et l’UICN(Union Internationale pour la Conservation de la Nature). Il consiste à faire un inventaire exhaustif des richesses terrestres et sous-marines de l’île et ses alentours, 30 ecoplongeurs ont été formés entre 2015 et 2016 dans ce cadre-là, et sur le plan terrestre il a été procédé à la rénovation du débarcadère, son élargissement et l’installation d’une rambarde de sécurité. Il y a eu aussi la réalisation d’un sentier terrestre, la rénovation du phare et des deux locaux sur l’île. Des installations ont été faites pour agrémenter la journée des visiteurs de passage telles que des bancs pour pique-niquer ou admirer la vue ou encore des vestiaires et des toilettes. Chaque année en début de saison estivale, une journée de nettoyage de l’île est organisée avec la participation de plusieurs dizaines de bénévoles permettant de ramasser à chaque fois des centaines de kilogrammes de détritus en tout genre. Le plastique occupe une place prépondérante dans le tas de déchets récoltés.
Des inventaires exhaustifs et précis des richesses halieutiques, ornithologiques ou botaniques devront être faits pour appuyer le dossier de classement de l’île Plane. Ces inventaires devraient se faire d’une manière régulière par la suite pour suivre l’évolution. Dans le rapport de la mission PIM d’avril 2008, il est recommandé de suivre l’évolution de population de goélands leucophées tous les 5 ans. C’est valable aussi pour les quelques cormorans huppés qui ont été vu sur l’île. On recherchera également des espèces plus rares ou plus fragiles telles que le goéland d’Audouin ou les puffins cendrés non observé sur l’île pour le moment.
Avec tous ces éléments, à court terme l’île Plane devrait bénéficier d’un statut de protection, car elle le mérite bien !