ISSN 2970-2321
ISSN 2970-2321
Cluster : Kuriat
Sous-bassin : TUNISIE EST
Contributeurs :
Sabri JAZIRI (Thétis conseil- Cabinet Sami Ben Haj Etudes et Conseil en Environnement)
Date de création : 14 Décembre 2021
Pour citer cette version : JAZIRI , S. (2021). Fiche île : Grande Kuriat – Sous-bassin : Tunisie Est. Atlas des Petites Iles de Méditerranée. https://pimatlas.org/explorer-atlas/iles/grande-kuriat/
Commune | Monastir | |
Archipel | Kuriat | |
Surface (ha) | 251.3 | |
Linéaire côtier (mètre) | 6900 | |
Distance à la côte (Mile nautique) | 9.1 | |
Altitude max (mètre) | 4 | |
Coordonnée géographiques | Latitude | 35.79694366 |
Longitude | 11.03305531 | |
Propriété foncière | Etat – Domaine public maritime (100%) | |
Gestionnaire(s) | Unité de co-gestion : APAL (Agence de protection et d’aménagement du littoral) / NGB (Notre Grand Bleu) | |
Statut de protection | national | |
international |
La grande Kuriat fait partie de l’archipel Kuriat, composé principalement par la grande et la petite île. L’archipel constitue le prolongement naturel du haut fond qui commence à Ras Dimès (Bekalta). Les îles sont situées à 15 km à l’Est du Cap Monastir. La grande Kuriat qui fait 251.3 ha de superficie et 6,9 km de périmètre est située à une distance de 2.5 km au Nord Est de la petite île.
La grande Kuriat est de forme ovoïde, avec une morphologie plane. Le relief est dans son ensemble peu élevé, les côtes nord sont essentiellement rocheuses, segmentées par des portions de plages à sable grossier. Les sebkhas couvrent une grande partie de l’île, elles sont évaporitiques. on dénombre principalement trois sebkhas, qui sont situées à Est, au sud-ouest et l’ouest.
Les bâtis retrouvés sur la grande Kuriat ne sont pas nombreux. On y trouve un phare situé au nord de l’île. Il est construit par les services des travaux publics Tunisiens en 1888. Il constitue le point le plus élevé de l’archipel culminant 30 m. Un marabout « Sidi Sâad » est situé juste à côté du phare qui est visité régulièrement par les habitants de la région en période estivale.
La grande Kuriat est réservée aux autorités militaires, limitant ainsi l’accès touristique, mais cette restriction n’empêche pas les visites sporadiques des estivants et des pêcheurs.
En Tunisie, les connaissances relatives à la biodiversité insulaire se font rares et sont pour la plupart spécifiques, se focalisant aux espèces menacées ou en danger. Pour la tortue caouanne (Caretta caretta), la mise en évidence de sa nidification dans les îles Kuriat a été décrite pour la première fois par Luc Laurent en 1988. En 1997, le suivi de la tortue caouanne se fait dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action pour la conservation des Tortues Marines de Méditerranée, par l’Institut National des Sciences et Technologie de la Mer (INSTM) en collaboration avec l’Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral (APAL), du Centre d’Activités Régionales pour les Aires Spécialement Protégées (SPA/RAC), la Faculté des Sciences de Sfax (FSS) et depuis sa création, l’association Notre Grand Bleu (NGB). Lors des prospections réalisées en 2019, l’équipe a signalé la présence de 25 nids principalement identifiés sur la plage Ouest de la grande Kuriat, contre 16 nids trouvés sur la petite île. En effet, la grande île est considérée comme un site majeur de nidification au sud de la Méditerranée, l’accès du public à la grande Kuriat est interdit depuis 1997 et des autorisations préalables pour y accéder sont nécessaires. Ce qui se révèle bénéfique pour la protection des sites de ponte de cette espèce.
En ce qui concerne la description de la flore terrestre, les principales missions ont été conduites depuis 2006 dans le cadre de l’initiative pour les petites îles de Méditerranée (PIM). De point de vue descriptif, la grande Kuriat se caractérise par une végétation halophile sur les bordures salées des sebkhas. Principalement dominé par Halocnemum, Arthrocnemum, Hordeum maritimum, Lygeum spartum et Suaeda fruticosa. On trouve aussi des buissons ligneux (Salicornia arabica). Les vents violents chargés d’embruns marins sont en faveur de développement d’un paysage de garrigue proche du sol. On signale aussi la présence de lys de mer Pancratium maritimum sur l’arrière plage.
En ce qui concerne les connaissances relatives aux herpétofaunes sur l’archipel, la prospection réalisée par Pietro Lo Cascio et al., en 2014, a montré la présence de 4 familles de lézard sur la grande île à savoir un gekkonidae (Hemidactylus turcicus), un phyllodactylidae (Tarentola fascicularis), un scincidae (Trachylepis vittata) et un lacertidae (Mesalina olivieri).
Les prospections relatives à l’avifaune des îles Kuriat ont commencé dès 1963 par Mike Smart à travers des notes personnelles. Dès lors, les principales missions ont été conduites depuis mars 2014 par l’Association « Les Amis des Oiseaux » (AAO/BirdLife en Tunisie) en collaboration avec l’Initiative des petites îles de la Méditerranée (PIM) et de l’Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral (APAL).
Le dernier recensement en date réalisé par l’AAO/Birdlife (2020), signale la présence de 99 espèces appartenant à 35 familles différentes dans les îles Kuriat. Sur la grande île, on a identifié essentiellement la présence de : Tadorne de Belon (Tadorna tadorna), Engoulevent d’Europe (Caprimulgus europaeus), le Flamant rose (Phoenicopterus roseus),Le Goéland leucophée (Larus michahellis), la sterne naine (Sternula albifrons). La présence du Puffin yelkouan (Puffinus yelkouan) est récente en Tunisie et remonte à 2011 à Zembra qui semble le fruit des campagnes de dératisation initié par l’APAL et les PIM, seul un individu mort a été observé sur la grande île en juin 2018 ainsi que les sternes naines dont la population s’est développée après la dératisation de l’île.
Une approche globale de gestion pour soutenir un équilibre écosystémique fragile
Durant cette décennie, les efforts de conservation déployer pour la préservation des espèces et des habitats dans les AMCPs, sont de plus en plus perceptibles. En effet, plusieurs actions peuvent être évoquées dans ce sens, on peut mentionner la dératisation de l’archipel du rat noir (Rattus rattus) qui est une espèce invasive introduite sur l’archipel par la fréquentation humaine sur les îles. Cette espèce de rongeur omnivore et opportuniste provoquait des ravages principalement pour les nids de certains oiseaux nicheurs et les juvéniles des tortues marine. L’intervention du génie humaine dans le sens de rétablir l’équilibre écologique en éliminant la source d’invasion biologique est loin d’être achevée. En effet, l’exemple du goéland leucophée est le plus marquant pour inciter les gestionnaires et les parties prenantes à envisager une approche globale de gestion et éviter un déséquilibre écologique parfois irréversible. En effet, les effectifs des Goélands leucophées (Larus michahellis) dans l’archipel Kuriat ne cessent d’augmenter, ils sont plus abondants sur la grande île que la petite, avec respectivement 6700 individus contre 3537 individus (juin 2019). Cette population de goéland, qui est en nette augmentation, impacte directement plusieurs espèces nicheuses sur l’île par prédation, notamment la population de la sterne naine (Sternula albifrons) recensée exclusivement sur la grande île, qui est une espèce menacée (annexe II du Protocole ASP/DB), répertoriée dans la Liste rouge des espèces menacées de l’UICN et considérée comme une espèce à protéger par de BirdLife International, dont on n’a recensé que seulement 30 nids dans la grande Kuriat. Cette espèce figure également sur l’annexe II du protocole de Barcelone.
Les goélands leucophée étant une espèce proliférant et nuisible car dérangeant et prédatrices partage le même habitat que les espèces nicheuses et autres espèces vulnérables présentes sur le Grande Kuriat, ils est fortement recommandé d’étudier la population nicheuse du Goéland leucophée sur l’AMCP des Îles Kuriat en rapport avec les décharges publiques sur le continents qui constituent une source d’alimentation et favorise le développement de ces espèces opportuniste, pour envisager une gestion intégrée de la zone et ne pas contribuer intentionnellement à favoriser cette espèce au détriment d’autres espèces plus vulnérables.
Le suivi des espèces non indigènes dans l’AMCP Kuriat a été conduit grâce aux différentes actions et travaux de recherches réalisées dans la zone. Ainsi, les prospections réalisées aux alentours de la grande Kuriat a montré la présence de : Un Rhodophyta (Lophocladia lallemandii) d’origine mer rouge/indopacifique et un Rhodobiontes (Asparagopsis taxiformis), ainsi qu’un bivalve Pinctada imbricata radiata (Leach, 1814) d’origine mer rouge/indopacifique et une ascidie Ecteinascidia turbinata (Herdman, 1880). On signale que le pétrolier échoué sur la côte nord de la grande île depuis 2014 a fait l’objet d’une prospection spécifique en 2019. Cette prospection n’a pas montré la présence d’autres espèces exogènes dans la zone.
La caractérisation des biocénoses et les habitats dans l’archipel a fait l’objet de plusieurs études, notamment celles réalisées par le SPA/RAC et l’APAL (2008, 2010 et 2011), qui ont pu mettre en évidence la présence de récifs-barrières à Posidonia oceanica dans quatre zones au voisinage des îles Kuriat, principalement dans zone Sud-Ouest et Sud-Est de la grande Kuriat. Les substrats durs dans la grande île sont caractérisés par des fonds rocheux de type « sandstones » et « limestones » ainsi que des petits blocs qui sont dominés par des peuplements algaux. Les fonds à maërl et rhodolites caractéristiques de la grande Kuriat s’accumulent dans certaines cuvettes et dépressions rocheuses à faible profondeur allant de 0,5 à 3 mètres sur les fonds rocheux au nord de la grande île et de 0,5 à presque 2 mètres à l’ouest de la petite île. Mélangé avec du sable et du gravier coquiller, les rhodolites sous se trouvent sous forme de concentrations d’algues calcaires en boules ou pralines atteignant les 5-8 cm de diamètre. Les « Jardins » à éponges le faciès à éponges (Spongia offcinalis, Hippospongia communis, Ircinia spp., Sarcotragus spp., Tethya aurantium) se trouve sur dalles et petits blocs rocheux entre 3 et 10 m de profondeur. Il s’agit essentiellement de fortes densités des éponges du genre Ircinia et Sarcotragus formant de véritables ‘jardins’ d’éponges dans le secteur Nord et Nord-ouest de la grande Kuriat ainsi que la façade Nord-ouest et Ouest de la petite Kuriat.
Les connaissances relatives à l’activité de la pêche dans les îles Kuriat sont très anciennes. Plusieurs auteurs ont détaillé les engins et techniques utilisés auparavant dans cette zone (De Fages e. et Ponzevera C. 1903). Actuellement, plusieurs actions de suivi de la part de l’équipe de cogestion de l’AMCP Kuriat sont menés (SPA/RAC, 2018, 2019, 2021), ainsi que d’autres travaux de recherche (Sellemi, 2015). D’après le dernier diagnostic sur l’activité de pêche au tour de l’AMCP kuriat (SPA/RAC, 2021) plusieurs activités de pêche illicite sont identifiées dans la zone particulièrement, le chalutage, El Derra, Kiss cherkaou (pour la pêche de l’athérine), les nasses en plastiques, la pêche sous-marine anarchique surtout en apnée autour de la grande Kuriat qui est très fréquente et cible le poulpe et le mérou.
La grande Kuriat présente un intérêt considérable pour la conservation sur tous les plans. En effet, sur le plan patrimoine architectural, le phare dont la construction remonte au 19ème siècle conserve son identité, ainsi que le marabout « sidi Sâad » qui est à ce jour visité par les habitants de la région.
Sur le plan archéologique, le port punique sur la grande île est le seul site historique qui nécessite plus d’intérêt pour à la zone une dimension culturelle et patrimoniale susceptible de participer d’une manière active au développement de la région.
Sur le plan faunistique, plusieurs espèces recensées dans l’île figurent dans la liste des espèces menacées ou en danger (Annexe II du protocole ASP/DB), notamment la tortue caouanne où la nidification dans le site est très ancienne décrite pour la première fois en 1988. La posidonie (Posidonia oceanica) qui est une espèce emblématique de la méditerranée,
Pour l’avifaune marine et terrestre, la grande île est considérée comme un site de passage pour plusieurs espèces d’oiseaux marins et terrestres durant la période de migration.
L’archipel d’une manière générale est reconnu comme une zone clé pour la Biodiversité. Il est considéré comme un site d’hivernage et de nidification pour plusieurs espèces d’intérêt pour la conservation.
L’AMCP Kuriat subit plusieurs formes de pressions qui sont en cause de la détérioration de la faune et la flore. Sur la grande Kuriat, on peut citer principalement :
L’invasion biologique du rat noir Rattus rattus a perturbé les espèces en danger notamment la tortue caouanne. Cette espèce opportuniste et invasive a été éliminée suite à la campagne menée en 2015.
Il en a été ainsi pour l’évacuation d’un troupeau de chèvres paissant sur lîle, ce troupeau ayant lourdement impacté le couvert végétal a été évacué en totalité.
La fréquentation humaine : La grande Kuriat est une zone militaire nécessitant une autorisation préalable à l’accès, sauf que des visites ponctuelles de la part des pêcheurs et estivants peuvent être enregistrées surtout pendant la période de nidification de la tortue marine. Ce qui peut causer une perturbation des nids.
L’activité pêche autour de l’archipel est intense. Cette activité peut impacter les femelles des tortues caouanne lors de leurs déplacements vers la plage ou bien pour les nouveau-nés qui peuvent finir émaillés dans les filets après leur émergence.
Plusieurs techniques de pêche prohibées sont utilisées aux alentours de l’archipel, qui nécessite une interdiction totale, vu que ces pratiques notamment El Derra, les nasses en plastiques et les arts trainants dans les faibles profondeurs sont dangereuses pour l’écosystème marin.
De point de vue législatif les îles Kuriat ne disposent pas d’un statut particulier de protection, sauf que la grande Kuriat est décrétée comme zone militaire qui nécessite des autorisations pour y accéder.
Une équipe permanente de la marine nationale est installée durant toute l’année sur la grande île pour assurer la surveillance et le bon fonctionnement du phare du site.
Actuellement, l’enquête publique est achevée à l’échelle nationale pour aboutir à la création de l’aire protégée de l’archipel de Kuriat à travers un décret de création.
Entretemps, le site a bénéficié de nombreuses actions de terrain à son actif qu’il s’agisse d’actions d’inventaire, de suivi, de restauration écologique et de sensibilisation. Sur le continent se sont également déroulées de multiples actions d’éducation environnementale et de communication. A ce jour, cette future aire marine et côtière protégée apparaît exemplairement gérées.
Pour la concrétisation des différentes actions prévues dans le plan de gestion, l’APAL a adopté une approche participative basée sur le principe de cogestion. De ce fait, une unité de cogestion a été créée suite à l’élaboration d’une convention de partenariat tripartite entre l’APAL, l’association Notre Grand Bleu financée par TheMedfund.