ISSN 2970-2321

Cette fiche a été rédigée dans le cadre du projet d’Atlas encyclopédique des Petites Iles de Méditerranée, porté par le Conservatoire du Littoral, l’Initiative PIM, et leurs nombreux partenaires.
This sheet has been written as part of the encyclopedic Atlas of the Small Mediterranean Islands project, carried out by the Conservatoire du Littoral, the PIM Initiative and their numerous partners.
(https://pimatlas.org)

ILES

Cluster : Golfe de La Ciotat, Embiez et Cap Sicié

Sous-bassin : FRANCE-SUD

Grand Rouveau

Contributeurs :

Vincent RIVIERE (AGIR écologique), Patrick LELONG (Institut Paul Ricard), Céline Damery (Conservatoire du littoral), Paule ZUCCONI (Ville de Six-Fours-les-Plages), Sandra RUNDE-CARIOU (Office Français de la Biodiversité)

Date de création : 13 Janvier 2021

 

Pour citer cette version : RIVIERE, V., LELONG, P., DAMERY, C., ZUCCONI, P., RUNDE-CARIOU, S.  (2021). Fiche île : Grand Rouveau – Sous-bassin : France Sud. Atlas of Small Mediterranean Islands. https://pimatlas.org/explorer-atlas/iles/grand-rouveau/

France; ile du Grand Rouveau; PIM mai 2009
France; ile du Grand Rouveau; PIM mai 2009
Commune Six-Fours-Les-Plages
Archipel Archipel des Embiez
Surface (ha) 6.45
Linéaire côtier (mètre) 1580
Distance à la côte (Mile nautique) 1.21
Altitude max (mètre) 33
Coordonnée géographiques Latitude 43,0803445
Longitude 5,7676338
Propriété foncière Publique (100% – Conservatoire du Littoral / Phares et balises)
Gestionnaire(s) Ville de Six-Fours (depuis 2001 – gestionnaire principal) ; Initiative PIM (depuis 2021 – co-gestionnaire)
Statut de protection national Natura 2000, Lagune du Brusc désigné par arrêté ministériel le 21 janvier 2014 (document d’objectif validé le 24 février 2011)
international ASPIM (depuis 2011 – terre et mer), Site d’Importance Communautaire (depuis 2003 – mer)

Description générale


A l’Ouest du Cap Sicié, l’île du Grand Rouveau, qui fait partie de l’Archipel des Embiez, marque l’entrée de la rade du Brusc, à Six-Fours-les-plages.

Dernière île de l’archipel, culminant à 31 m, elle est dominée par un phare, contrôlé à distance depuis la station de Porquerolles, dont l’automatisation en 1974 a mis fin à plus d’un siècle de présence d’un gardien, occupant les bâtiments attenants depuis l’achèvement de sa construction en 1864. Toutefois, exceptée la présence des gardiens de phare, l’île n’a jamais fait l’objet d’aménagements à vocation touristiques, qui se sont concentrés sur l’île des Embiez toute proche et sur le littoral. L’absence d’eau et la surface modeste de l’île ont sans doute contribué à limiter ce développement. Son acquisition par le Conservatoire du littoral en 2000 a définitivement préservé cet état.

En plus du phare, les aménagements créés sur l’île restent de faible ampleur: une habitation en pierres locales apparentes ainsi qu’une remise taillée dans la roche, un chemin pavé en pierres rapportées, un débarcadère, protégé du vent d’Ouest, de petits ouvrages maçonnés ça et là sur l’île afin de faciliter l’accès aux différents points d’observation. La situation privilégiée de l’île offre un point de vue de la façade littorale jusqu’à Marseille, avec en perspective les falaises de Cap Canaille et l’archipel de Riou.

Passée l’automatisation, l’île devient, avec le développement de la navigation de plaisance, une destination privilégiée des touristes. Outre le patrimoine terrestre, la qualité du milieu marin est reconnue au-delà de la rade du Brusc. Les nombreux écueils qui entourent l’île du Grand Rouveau, bien que constituant de dangers réels pour la navigation, créent des paysages sous-marin d’une rare qualité. Ainsi, si l’archipel des Embiez est très riche en sites de plongée de grande notoriété (Ponchon et Joachim, 2003), ceux situés à proximité du Grand Rouveau sont des destinations de choix pour les clubs de l’ouest toulonnais. Cette diversité et cette richesse ont motivé l’attribution et la gestion de 273 ha du Domaine Public Maritime au droit de l’île au Conservatoire du Littoral pour 30 ans en 2011.

Toutefois, les nuisances associées à ces activités de plaisance (feux, détritus, dégradations) ont sans doute conduit quelques amoureux du site à se constituer en association de protection de l’île (APIR), dont les adhérents, tout en occupant lors de leurs séjours la bâtisse de pierres en contrebas du phare, se chargeaient de l’entretien régulier des installations et limitaient ainsi les dégradations. Malgré ces actions positives, on note toutefois une tentative échouée d’introduction de lapins sur l’île, et le repiquage de plants de Griffe de Sorcière (introduite par les gardiens de phare) ayant ainsi contribué au développement de grandes étendues sur l’île. Aussi paradoxal que ceci puisse paraître pour une espèce introduite originaire d’Afrique du sud, ces grandes plages homogènes de Griffe de sorcière sont associées pour la population locale à l’image d’une île préservée et naturelle auprès des habitants.

Quoi qu’il en soit, la présence d’espèces protégées (certaines ayant disparu des îles de l’archipel du fait de l’urbanisation), a conduit le Conservatoire du Littoral à s’engager dans une démarche de préservation du patrimoine naturel de l’île, à travers l’action de l’initiative PIM (Petites Iles de Méditerranée) depuis 2009. L’île, dont la richesse terrestre et marine est reconnue par un classement en Aire Spécialement Protégée d’Importance Méditerranéenne (ASPIM) en 2011, reste ouverte au public, dont la sensibilisation est confiée au gestionnaire de l’île : la ville de Six Fours les Plages.

Connaissances


Le Phyllodactyle d’Europe, espèce emblématique de l’île
(©Louis-Marie Préau, CdL/PIM 2009)

Aucune trace d’occupation historique n’est relevée sur l’île, alors que les premières traces de présence humaine sur le littoral en face de l’île sont datées entre 40 000 et 10 000 ans av. J.-C., et qu’un comptoir Phocéen, contemporain à celui de Marseille, y serait établi aux alentours de 600 ans av. J.-C. La protection de la rade du Brusc, dont l’île du Grand Rouveau ferme l’accès, ont certainement contribué à l’installation de ce comptoir puis à l’installation Romaine en offrant les conditions idéales de protection des navires contre la houle et les vents du Sud.

Avant le début des travaux de construction du phare en 1856, l’ingénieur en charge des travaux décrivait l’île comme «un petit îlot inculte, improductif, inhabité et isolé en mer » (CEEP 1999). Il est cependant probable que l’île, malgré l’absence de vestiges antérieurs au phare, ait été occupée par des marins tout au long de l’Antiquité, favorisée par la proximité du littoral et la facilité du débarquement sur l’île. On ne dispose donc que d’une connaissance récente de l’historique des activités sur l’île, documentée à partir de la seconde moitié du 19ème siècle. On connait notamment le rythme des rotations de garde du personnel, on sait grâce à leurs témoignages comment ils exploitaient le site afin de s’alimenter en légumes frais et œufs. Les potagers utilisés sont aujourd’hui envahis par une végétation dense et impénétrable, marquant ainsi le retour de l’île à une nature plus sauvage.

Sur le plan biologique, la première herborisation incomplète est réalsée par Jahandiez en 1935. Molinier en 1953 réalisée les premiers inventaires phytocosiologiques, dans le cadre d’une synthèse qu’il rédige sur l’ensemble de l’archipel, et produira la première carte de végétation au 1/20000ème. Les connaissances seront ensuite complétées par les travaux de Molinier et Moutte en 1987 et 1989. Le premier inventaire complet de la flore est réalisé par Medail en 1999 (Médail, 2000), dans le cadre d’une étude globale de la faune et la flore du Grand Rouveau réalisée par le CEN Paca (CEEP, 2009), alors Conservatoire Etude des Ecosystèmes de Provence.

Sur le plan faunistique, alors que l’archipel fait l’objet de travaux réalisés par des herpétologues (spécialistes de l’étude des reptiles) sur l’archipel, dont les écrits ne confirment pas leur débarquement sur l’île, il faut attendre 1982 pour que les premiers inventaires faunistiques soient réalisés sur l’île. Leur brève visite sur l’île leur permet de noter la présence de Rat noir et de Goélands leucophée. Il faut donc attendre 1999 pour que le bilan de la faune de l’île soit inventorié.

Passée cette période, l’action du Conservatoire du Littoral et de l’initiative PIM permet une réactualisation des connaissances, en 2009, soit 10 ans plus tard, ainsi que la formalisation d’un shéma de gestion en 2011.

A partir de cette date, les activités scientifiques se sont multipliées sur l’île, notamment à travers un programme de restauration écologique visant à éradiquer dans un premier temps la Griffe de sorcière (dès 2012) puis le rat noir (dès 2017). Des états zéros avant éradication, selon des protocoles standardisés ont été réalisés puis poursuivis annuellement sur la flore (Pavon et al, 2012 ; Ugo, 2015), l’herpétofaune et l’avifaune, s’appuyant sur les travaux menés par le Parc National de Port Cros sur l’île de Bagaud. Ces protocoles permettent, au fur et à mesure qu’avance l’éradication, de suivre l’évolution de la biodiversité en réponse à la disparition des 2 espèces invasives.

ENCADRE : LE SUIVI DU PHYLLODACTYLE D’EUROPE


Afin de s’adapter aux contraites des missions en milieu insulaire (logistique organisationnelle, aléas étéorologiques…)  et à l’écologie du Phyllodactyle d’Europe (animal nocturne et cryptique, activité saisonnière et asynchrone au sein d’une même population…), le choix a été fait dès 2014 sur le Grand Rouveau de mettre en place un protocole de suivi reposant sur un système de tuiles rondes superposées. Ce dispositif présente l’avantage d’une surface identique dans chaque gîte, ce que n’offrent pas les amas de pierres, dont les interstices, auquel l’espèce est particulièrement sensible, sont variables. Le suivi est ainsi réalisable de jour, sans difficulté particulière pour l’observation, donc, pas de biais observateurs, pas ou peu de biais liés à la météo, dénombrement de la totalité des individus présents dans le gîte et pas uniquement les individus actifs. Ces sont ainsi 32 gîtes artificiels qui ont été installés et répartis de manière homogène sur l’ensemble de l’île afin d’intégrer un éventail le plus large possible de conditions (stationnelles, d’exposition au soleil, de végétation etc.). Ces gîtes sont suivis deux fois par an, une première fois au printemps, puis une seconde fois en automne, qui correspond à la période de présence des juvéniles issus des pontes estivales. Le contrôle des gîtes est relativement simple et rapide. Ils peuvent être contrôlés en une journée par un ou deux observateurs. Il requiert toutefois une attention particulière lors du démontage des tuiles, afin de ne pas blesser les individus lors de la manipulation de ces dernières.

Intérêts


Le Phare de l’île (©Louis-Marie Préau, CdL/PIM 2009)

Le Phare est sans nul doute le principal élément du patrimoine architectural de l’île. D’une hauteur de plus de 17m, culminant ainsi à près de 49m on remarquera la qualité des matériaux utilisés pour sa construction : les pierres servant à la décoration du phare proviennent des carrières de Cassis, et les parements et les façades sont exécutés avec des moellons calcaires tirés du cap de la Cride situé entre le port de Bandol et de Sanary. Les murs de la maison adjacente, bien que moins spectaculaires, sont constitués de pierres locales apparentes. Les toitures des deux bâtiments ont été rénovées (en 2015 pour le phare, en 2013 pour la maison) dans le but de limiter la dégradation des bâtiments par leur mise hors d’eau.

Sur le plan floristique, alors que les études de Molinier et Jahandiez dressaient une liste de 53 taxons présents sur l’île, l’inventaire réalisé par Médail dresse une liste de 131 taxons de flore vasculaire. Aujourd’hui, les différentes synthèses font état de la présence de 8 espèces végétales remarquables dont 7 protégées. Pavon (Pavon, 2012), avait mis l’accent sur 7 espèces remarquables : Allium chamaemoly, Limonium pseudominutum, Senecio leucanthemifolius, Thymelaea hirsuta, Bupleurum semicompositum, Orobanche sanguinea et Ugo (Ugo 2015) a reconfirmé la présence de plusieurs individus d’Orpin du Littoral (Sedum littoreum). L’île du Grand Rouveau représente pour cette dernière espèce l’unique station connue du Var, tandis qu’elle n’est identifiée que de quelques points dans le massif des Calanques. C’est bien la notion de refuge que cette espèce illustre par son isolement. On peut toutefois être surpris par l’absence d’une autre plante protégée, présente quant à elle sur l’île du Grand Gaou au sein du même archipel : la Barbe de Jupiter, Anthyllis barba-jovis.

Si la richesse végétale est remarquable, il n’est en pas de même sur le plan faunistique. Les cortèges avifaunistiques, mammalogiques et herpétologiques sont particulièrement simplifiés : une seule espèce d’oiseau marin nicheur (goéland leucophée Larus michaellis), un seul mammifère (introduit), deux espèces de reptiles. Cependant, c’est bien dans ce dernier groupe que réside le principal intérêt actuel de la faune de l’île. En effet, le rare Phyllodactyle d’Europe, Euleptes europaea (Delaugerre et al, 2012)gecko absent du littoral continental varois, disparu des Embiez et absent de la quasi-totalité des autres îles de l’archipel, est ici, à l’instar de l’Orpin du littoral, en situation de refuge. Même si les populations semblent en bon état de conservation (Cheylan, comm. pers.), et bénéficient à ce titre d’un suivi spécifique bisannuel, elles demeurent en situation critique, puisque toute introduction d’espèces potentiellement compétitrice (et notamment la Tarente de Maurétanie) pourrait à terme les faire disparaitre.

Sur le plan marin, la diversité de faciès sous-marins qu’offrent les fonds entourant l’île est reconnue, en témoigne notamment la présence de plusieurs spots de plongée. Cependant, la pêche et la chasse sous-marine ont fortement impacté les peuplements de poissons. Toutefois, la petite faune marine reste très riche et diversifiée, et on note la présence d’espèces règlementées comme le Mérou brun, Epinephelus marginatus,et le Corb, Sciaena umbra. Les herbiers de Posidonie sont bien représentés, malgré des dégradations ponctuelles liées aux impacts par les mouillages de bateaux de plaisance. Parmi les éléments remarquables constituant la richesse marine de l’île, on note la présence de peuplements de Gorgones, dont la Gorgone rouge, Paramuricea clavata présente à faible profondeur, et le bon état écologique des bioconcrétionnements à coralligène (Harmelin et al, 2009). Les populations de Grande nacre, Pinna nobilis, espèce protégée autrefois très présente dans les eaux autour de l’île, ont été fortement impactées par un parasite depuis 2016.

Pressions


L’attrait des plaisanciers aux abords de l’île (©Conservatoire du litoral, 2017)

Depuis le départ des gardiens du Phare, les pressions sur les milieux terrestres n’ont cessé d’augmenter avec l’avènement du tourisme nautique. Les dégradations entraînées par l’absence de gestion des flux et de sensi-bilisation ont alors largement augmenté sur l’île : vandalisme, dépôts de détritus, feux de camp. Ainsi, l’intervention de l’APIR, puis l’action du Conservatoire du Littoral et de la ville de Six-Fours-Les-Plages, a permis de diminuer considérablement ces pressions sur la partie terrestre.

Sur la partie marine, la concentration des plaisanciers en période estivale entraîne ponctuellement la dégradation de l’herbier de Posidonie situées à proximité du débarcadère, conséquence du mouillage sur ancre (un arrêté de la Préfecture maritime interdit depuis 2019 le mouillage sur herbiers de Posidonie) et ce, malgré la gestion en cours de la partie marine du Domaine Public Maritime au droit de l’île et son classement au sein du réseau Natura 2000. On dénombre jusqu’à 60 bateaux de plaisance en période estivale au droit du débarcadère de l’île. On note ainsi la présence de chenaux intermattes et de marmites de sable au sein de l’herbier et le fort déchaussement des rhizomes attestant de cet impact. Les actions de pêches, notamment de la pêche de loisir (à la palangrotte) et chasses sous-marine exercent une pression sur les communautés marines et participent de leur dégradation. La conséquence directe de cette pression se traduit par une faible fréquence des espèces cibles.

La Caulerpa cylindracea (anciennement C. racemosa), algue invasive, est apparue récemment sur le site. La Caulerpa prolifera, présente également sur les fonds, n’est pas une espèce introduite contrairement aux autres espèces du Genre Caulerpa.

Sur la partie terrestre, l’essentiel des pressions sur le patrimoine biologique se focalise principalement autour de l’impact des espèces invasives. Le cortège d’espèce, bien que pauvre comparativement aux autres îles du secteur, était avant 2012 largement dominé par la Griffe de sorcière, Carpobrotus edulis, particulièrement dynamique sur l’île. Cette espèce, sans doute introduite comme le suppose Médail pour ses capacités d’adaptation en milieu littoral, et dans le but de maintenir les déblais déposés lors de la construction du phare, avait colonisé près de 60 % de la surface de l’île avant les opérations d’éradication menées à partir de 2012. Des repasses sont conduites chaque année, pour éviter toute reprise de cette espèce. Au delà de la Griffe de Soricère, on notera la présence de pieds d’Aloé, d’Agaves, de quelques buissons de Pittosporum tobira et d’un pied d’Eucalyptus, qui, pour la majorité d’entre eux, sont regroupés autour de la maison. Les populations sont peu dynamiques, et leur expansion est à surveiller.

Quant au Rat noir, son introduction n’est pas documentée. On suppose qu’il fût introduit lors de la construction du phare, mais son introduction antérieure est possible, vue la faible distance qui sépare l’île des autres îles de l’archipel. Son maintien sur l’île était largement favorisé par la présence de tapis de Carpobrotus, dont il consommait les fruits et contribue à la dissémination des graines (Abiadh, 2009). Suite aux campagnes de dératisation menées en 2017, des postes anti-réinfestation restent en place pour prévenir d’une éventuelle réintroduction du rat noir sur l’île.

On notera tout de même l’absence de la Fourmi d’Argentine, Linepithema humile, présente sur l’île des Embiez, ayant sans doute entrainé la disparition des insectes rampants. Elle entraine une simplification de la diversité entomologique, par son action sur les plantes, dissémination de graines, et son agressivité vis-à-vis des autres espèces.

Enfin, la nidification du Goéland leucophée, seule espèce d’oiseau marin nicheur présente sur l’île, entraine des perturbations manifestes à l’instar de l’ensemble des îles sur lesquelles s’installent les colonies : apports de détritus et perturbation des communautés végétales en favorisant le développement des espèces rudérales. Les populations restent cependant relativement faibles. Le recensement effectué en 2015 relevait la présence de 34 couples seulement. Les collectes d’œufs de Goéland, pratiquées à l’époque par les gardiens de phare, sont aujourd’hui anecdotiques.

Gestion & Conservation


Opération d’arrachage de la griffe de sorcière (©Louis-Marie Préau, CdL/PIM 2009)

L’acquisition en 2000 de la majeure partie de l’île par le Conservatoire du littoral (le chemin et le phare restent la propriété de Phare et Balises) et la reconnaissance internationale que lui a conféré le classement en ASPIM, sont la continuité d’une action de préservation du Grand Rouveau, dont les premiers artisans furent une poignée d’habitants de la côte et amoureux du site, regroupés au sein de l’association APIR. La sensibilisation des visiteurs et l’entretien régulier des installations ont, après le départ des gardiens du phare, contribué à limiter les actes de vandalisme, les feux de camp, et le dépôt de détritus.

Ces actions sont aujourd’hui assurées par le gestionnaire du site, la ville de Six-Fours-les-plages, en partenariat avec le Conservatoire du Littoral et l’Initiative pour les Petites Iles de Méditerranée (PIM). Des travaux menées en 2018 dans le cadre du projet européen MED-PHARES ont également permis l’entretien du chemin et la canalisation du public, ainsi que l’installation de panneaux d’informations à destination des visiteurs.

L’île s’est dotée d’un schéma de gestion en 2011 (Ben Haj & Laviole, 2011), réalisé suite aux campagnes d’inventaires menées dans le cadre de l’initiative PIM en 2009. Le Document d’Objectif du site Natura 2000 FR9302001 «Lagune du Brusc» encadre les aspects marins (Rouanet et al, 2009).

Un arrêté préfectoral, entourant la partie sud de l’île du Grand Rouveau et interdisant le mouillage, les activités nautiques et la navigation est en vigueur, mais n’est pas suffisamment respecté par les usagers. Une organisation des zones de mouillages devrait être mise en place afin de limiter l’impact entraîné par la forte fréquentation par les plaisanciers. La sensibilisation semble aujourd’hui la meilleure voie pour limiter ces impacts, en invitant les plaisanciers à mouiller sur les plages sableuses plutôt que dans l’herbier lui-même, et par la même occasion à gérer et recycler leurs déchets. D’autres actions de préservation du milieu marin sont en cours ou en projet.

Au niveau marin, on note que le moratoire concernant la protection du Mérou brun est bien respecté, l’espèce étant fréquente dans les fonds rocheux autour de l’île.

En 2012, un programme de restauration écologique a été lancé afin de lutter contre deux des espèces invasives présentes sur l’île : la griffe de sorcières et le rat noir. Ce programme, encore en cours aujourd’hui, est porté a été mené par le Conservatoire du littoral et la mairie de Six-Fours-Les-Plages, avec l’expertise technique apportée par les équipes d’AGIR Ecologique et de l’Initiative PIM.

Après des opérations ponctuelles d’arrachage initiées en 2009, des campagnes visant à l’éradication de la Griffe de Sorcière sur l’ensemble de île (y compris en falaise) ont été entre 2012 et 2016, à raison d’une semaine par an. Près de 178 journées-homme ont ainsi été mobilisées. Des contrôles annuels (repasses) sont menés depuis 2013 et jusqu’à aujourd’hui, pour éliminer les repousses sur les zones d’intervention et se poursuivront jusqu’à la disparition totale de la Griffe de sorcière sur l’île (estimée à une dizaine d’années). Bien que les résultats observés jusqu’à présent soient encourageants (diminution du volume de repousses au fil des ans), les volumes totaux ne sont pas négligeables (Conservatoire du litoral, 2020).

Des opérations de génie écologique (Auda & Rivière, 2014) ont été mises en place pour accompagner les processus de cicatrisation du milieu sans modifier le patrimoine génétique insulaire (semis, pépinière – cf encadré-, andains anti-érosion …). Un projet de pépinière expérimentale, réalisé à partir de boutures locales, a été testé mais, en raison de nombreuses difficultés, a du être abandonné en 2018.

L’opération de dératisation (cf encadré) menée sur la base du protocole proposé par l’équipe de l’INRA de Rennes, a fait l’objet d’une importante campagne en 2017 (alliant phase de piégeage mécanique puis chimique) et une campagne complémentaire en 2018 (suite à la détection d’indices de présence du rat noir en debut d’année). L’île est désormais équipée en postes anti-réinfestations, suivis régulièrements par les agents de la Ville de Six-Fours et et l’Initiative PIM, après de prévenir de toute nouvelle introduction.

ENCADRE : LE GRAND ROUVEAU, SITE EXPERIMENTAL POUR UNE RESTAURATION ECOLOGIQUE « LOW-COST »


Au regard de l’intégration du Grand Rouveau dans le programme « îles sentinelles » de l’Initiative PIM, et lors des réflexions pour l’élaboration du programme de restauration écologique en 2012, l’ensemble des organisations ont pris le parti de s’appuyer sur les partenariats et les collaborations inter-institutions pour mener à bien les actions prévues, et de mettre en place des actions à faible coût, afin de faciliter leur appropriation et leur réplicabilité par des gestionnaires de petites îles du bassin méditerranée, aux moyens limités.

Concernant l’éradication de la griffe de sorcière, au regard de la configuration du site et pour des raison économique et écologique, le choix a été fait de ne pas exporter les rémanents vers le continent pour traitement en décharge spécialisée. Pour limiter l’érosion et favoriser la reprise végétale, les Griffes de sorcières arrachées ont été utilisées pour la mise en place d’andains. Sur les zones accessibles, la méthode des andains a largement contribué à faciliter l’intervention, et permis de mobiliser des personnes bénévoles non formés à ce type de travaux.

Que ce soit pour l’arrachage de la Griffe de Sorcière ou les capagnes de dératisation, la mobilisation de personnels bénévoles (agents des organiations porteuses de la démarche, gardes du littoral, agents des Parcs Nationaux de Port-Cros et des Calaques, entreprise AGIR Ecologique) a été l’un des principes mis en œuvre tout au long des opérations, afin de limiter le coût de cette intervention d’ampleur et de sensibiliser et impliquer des partenaires. Pour la dératisation le recours aux bénévoles représente 60% du temps-homme mobilisé au total.

Principales ressources bibliographiques


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  6. Lelong P., Couvray S., Miard T., Rebillard D., Bonnefont J.-L., 2014 – Inventaire de la faune ichtyologique des fonds marins de l’ouest toulonnais – Rapport annuel 2013. Contrat TPM – CG83 – Institut océanographique Paul Ricard. 23 p.
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  9. Ugo J., 2015 – Suivi de la végétation après éradication de la Griffe de sorcière sur l’île du Grand Rouveau. Initiative PIM. 10 p.
  10. Conservatoire du litoral, 2020. Expériences de gestion et de conservation dans les petites îles de Provence
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