ISSN 2970-2321

Cette fiche a été rédigée dans le cadre du projet d’Atlas encyclopédique des Petites Iles de Méditerranée, porté par le Conservatoire du Littoral, l’Initiative PIM, et leurs nombreux partenaires.
This sheet has been written as part of the encyclopedic Atlas of the Small Mediterranean Islands project, carried out by the Conservatoire du Littoral, the PIM Initiative and their numerous partners.
(https://pimatlas.org)

CLUSTER

L’archipel de Kuriat

Rédigé par : Jamel JRIJER

Date de création : 2017

Pour citer cette version : JRIJER, J.  (2017). Fiche cluster : Kuriat. Atlas of Small Mediterranean Islands. https://pimatlas.org/explorer-atlas/clusters/kuriat/

Composition du cluster : îles 2
Composition du cluster : archipels 1
Nombre d’îles avec au moins un statut de protection national 0
Nombre d’îles avec au moins un statut de protection international 0
Nombre d’îles avec au moins un gestionnaire 2

Description générale


Le phare situé dans la partie centrale de la grande île
(©Sahbi Dorai, 2016)

L’importance des îles Kuriat est traduite par le fait qu’elles constituent un site favorable non seulement pour les espèces terrestres comme les oiseaux migrateurs, mais aussi pour des espèces marines comme les tortues caouannes où Kuriat est l’un des principaux sites de leur nidification au sud de la Méditerranée (Aguir, 2011). C’est un archipel constitué de deux îlots ; la grande Kuriat et la petite Kuriat ou Conigliera appelée aussi ile des lapins ou des lièvres (Aguir, 2011), situées au nord-est du cap de Monastir. La grande ile marque l’extrémité sud du Golfe de Hammamet (Riviere, 2014). Elles sont éloignées du littoral de Monastir par une distance relativement faible d’environ 18 Km. Ces petites iles inhabitées à distance de 2 km l’une de l’autre, sont caractérisées par des altitudes basses et une absence de relief (Aguir, 2011). L’intérêt de l’archipel est justifié  par le fait qu’elles abritent un site favorable non seulement pour certaines espèces d’oiseaux migrateurs, mais aussi pour des espèces marines comme les tortues caouannes emblématiques de ce site. D’ailleurs, Kuriat est l’un des principaux sites de leur nidification au sud de la Méditerranée. Ces iles abritent une richesse faunistique et floristique très importante et sont considérées comme deux écosystèmes vulnérables (Aguir, 2011). Cet auteur signale que dans la partie nord et rocheuse des îles et à des profondeurs très faibles il existe des formations de fonds de Maërl considérées comme très rares et très vulnérables à l’échelle méditerranéenne. Les îles Kuriat qui sont une zone sensible  devraient à court terme être érigées comme aires protégées (PG Kuriat, 2014).

Connaissances


Balisage des nids de caouanne, un suivi systématique et régulier (J. Jrijer, 2016)

La grande Kuriat a une forme ovoïde, elle couvre environ 270 ha avec une longueur de 3,5 km et une largeur de 2 km. Les altitudes varient entre -1 m et 5 m. on remarque la présence de trois grandes sebkhas. Une construction au nord de l’ile, dans la région la plus élevée, un phare qui a été construit en 1888. Pas très loin du phare, il y a un marabout « Sidi Sâad ». 

La petite Kuriat présente une forme quasi-triangulaire et couvre 50 ha. On remarque aussi que cette ile présente de faibles altitudes (Aguir, 2011). Grâce à sa plage sableuse qui s’étend sur 1000 mètres de long, l’ile est très fréquentée par les touristes surtout pendant la période estivale. On dénombre 45000 personnes par an (Riviere & Lo Cascio, 2014). 

Les îles Kuriat sont caractérisées par un substrat géologique dont la nature est marquée par la présence de grès et de roches carbonatées couverts de matériaux sableux déposés par la mer ou sablo-vaseux en provenance des sebkhas. Principalement on trouve des formations quaternaires appartenant au pliocène supérieur constitué par des grès jaunes coquilliers qui affleurent dans les parties les plus élevées de l’île (Fig. 1). 

La mer avait franchi la ligne actuelle du rivage et les îles devaient se trouver sous l’eau et appartenir de ce fait à un ancien haut fond (Oueslati, 1995). Les Kuriat appartiennent au haut fond « d’Edhar », et sont caractérisées par une structure géologique profonde complexe due à leur position pseudo-anticlinale située au milieu d’un fossé comblé par une importante formation sédimentaire de quelques 2000 m. Actuellement, ces îles constituées de matériaux meubles et dépassant à peine le niveau de la mer sont confrontées à un risque sérieux de submersion dû à l’élévation du niveau de la mer.

Cet archipel repose sur des fonds de faible profondeur. Le fond marin évolue en pente douce jusqu’à des fonds d’ordre de -3m. Les isobathes -5m et -10m se situent respectivement à 800m et 15000m environ de la ligne de rivage. Cette dénivelée est plus marquée sur le secteur sud.

Cette faible dénivelée ralentit très perceptiblement les courants qui influencent malgré tout la configuration de ces deux îles.

Intérêts


Les bébés caouanne se dirigent vers la mer après éclosion sur l’île kuriat (© Association Notre Grand Bleu, 2015)

Les îles Kuriat se caractérisent par leur richesse faunistique et floristique particulière ainsi qu’un potentiel écologique important.

  1. Partie terreste :

Les iles Kuriat possède un patrimoine naturel doté d’une grande richesse floristique et faunistique qui a subi des modifications à cause de la présence humaine

.

Le couvert végétal sur les iles Kuriat se répartit en trois paysages (Aguir, 2011) :

La végétation halophile : ce type de végétation est abondant sur les îles Kuriat et il est lié à la chimie du sol et à son degré de salinité. Parmi les halophytes strictes l’archipel abrite : Halocnemum strobilaceum, Salicornia arabica, Atriplex nflata, Suaeda vera, Suaeda mollis, Arthrocnemum indicum, Juncus maritimus.  Des halophytes modérées et des pseudohalophytes sont rencontrées comme :Tamarix gallica, Hordeum maritimum, Plantago crassifolia et Plantago coronopus.

La végétation psammophile  retient le sable transporté par le vent : Salsola kali et Cakile aegyptica qui sont adaptées à un milieu caractérisé par un substrat mobile. Il remarque que que Ammophilia arenaria et Euphorbia paralias sont des fixatrices de sable et ont ainsi permis l’existence d’avant de dunes bien développées protégeant  ainsi que les mattes de posidonies mortes, l’archipel de l’érosion.

De petits arbustes qui ne dépassent pas un mètre de hauteur sont identifiées: sont également présent sur les parties les plus élevées de la grande île.

Quelques  mammifères sont également présents :

Les lapins se trouvent sur les deux iles Kuriats : la petite Kuriat s‘appelle  Conigliera, des travaux biométriques et neuro-endocriniens suggèrent que leur introduction est très ancienne vu que l’espèce a acquis une différenciation par rapport à l’européenne (Ben Ammar-El Ghaïeb A. et al.in El Hili et al. 2002). 

Plusieurs espèces de reptiles ont été signalées sur les îles Kuriat par Lo Cascio et Rivière (2014) durant la mission naturaliste de l’initiative des petites îles de Méditerranée sur les îles Kuriat et les îlots de chebba. 

Espèces Grande Kuriat Petite Kuriat
Hemidactylus turcicus
Tarentola fascicularis
Trachylepis vittata
Chalcides ocellatus
Mesalina olivieri
Malpolon insignitus

La Tortue caouanne C. caretta en Tunisie 


La tortue caouanne C. caretta est la seule espèce nicheuse dans les côtes tunisiennes. Pour la première fois en Tunisie, la nidification de cette espèce a été mise en évidence en 1988 sur la plage située entre Ras Dimas et Mahdia et sur l’île grande Kuriat au large de Monastir (Laurent et al. 1990). De nos jours, plusieurs observations et témoignages indiquent la nidification de la caouanne sur d’autres plages telles que Nabeul, Kerkennah, Zarzis et surtout La Chebba où la nidification a été bien documentée (Ellouze, 1996 ; Jribi, 2017). Plus récemment, on a signalé la présence des nids de C. caretta dans la zone nord de la Tunisie à Chatt el Zouaraa (gouvernorat de Béja). Ce qui constitue de la Tunisie la limite supérieure du bassin oriental pour la nidification de cette espèce dans la Méditerranée. En Tunisie, l’Institut National des Sciences et Technologies de la Mer (INSTM) en collaboration avec l’APAL a commencé le suivi de la nidification des tortues dès 1997. En 2004, une station de protection et soin des tortues marines à l’INSTM (centre Monastir) a vu le jour. En 2014, on a assisté à la mise en place d’un réseau d’échouage des cétacés et tortues marines par un décret ministériel. De point vu législatif, la pêche et la collecte des œufs de la tortue marine sont interdites par la loi n°94-13 du 31 juillet 1994 du Ministère de l’Agriculture et son décret d’application du 28 septembre 1995 qui organise les activités de pêche.

Sabri JAZIRI 

Pressions


Relief plat au ras de l’eau, zones humides, vulnérabilité à l’élévation du niveau de la mer, risque élevé (A. Abiadh, 2014)

La pollution de la baie de Monastir, très confinée, peu profonde et au faible hydrodynamisme n’affecte pratiquement pas les eaux de l’archipel, même s’il s’agit d’un véritable cloaque. 

Dans ce secteur, nous citerons toutefois une pollution très perceptible au niveau des stations piscicoles où les déjections et les granulés non ingérés ont exterminé toute vie sur des fonds anoxiques et abiotiques, ces fonds étaient avant l’établissement des fermes piscicoles couvertes par un « puissant » herbier de posidonies.

Une autre pression sur la biodiversité marine est le trafic maritime. En effet, actuellement, le secteur de transport maritime fait partie intégrante de l’environnement économique et joue un rôle primordial dans la promotion des échanges commerciaux. Ce secteur affiche une augmentation rapide et significative (Saghaier et al, 2016). De ce fait, le trafic maritime est l’un de vecteurs d’introduction non intentionnelle des espèces non indigènes à travers le déversement des eaux de ballast et le biofouling.

On signale également une surpêche et l’usage d’engins illégaux dans les eaux des Kuriat initialement exploitées par quelques embarcations artisanales.

Enfin et ceci est valable pour l’ensemble des îles du bassin oriental planes et sableuses, les effets des changements climatiques sont visibles et continueront à se manifester dans le futur : il s’agit du cortège classique d’impacts dus à ces phénomènes : élévation du niveau de la mer : érosion, submersion, extension des sebkhas, salinisation de la nappe, sécheresse, évènements extrêmes. Ces anomalies notamment en période estivale exercent une influence sur les peuplements côtiers (Pérez et al. 2004). Leurs impacts sur les espèces et sur les écosystèmes se traduisent par un stress physiologique, d’autant plus prononcé que les espèces considérées sont probablement déjà proches de leur limite de tolérance (Pérez et al. 2004). Ces stress peuvent conduire, soit à des changements de la distribution géographique, soit à des modifications du cycle de vie et des adaptations in situ, soit enfin, chez les formes sessiles ou à mobilité réduite, à d’importantes mortalités accompagnées d’épizooties et de substitution par des formes méridionales thermophiles. (Francour et al. 1994).

Enfin l’ancrage de bateaux impacte aussi le bon état écologique de l’herbier de posidonies,  et les fonds coralliens : la mise en place d’une ancre sur le fond marin s’accompagne de l’arrachage de faisceaux engendrant l’abrasion des mattes de posidonies, un remaniement du substrat et des phénomènes d’affouillement au niveau des structures immergées (Porcher).

La pêche : Entre la bonne gestion ou la bonne gouvernance.


L’ancrage maritime important de la population du Sahel, qui remonte à des siècles, fait de la pêche une activité importante dans le gouvernorat du Monastir. On dénombre six ports de pêche et une Marina (cap Monastir) dans un linéaire qui ne dépasse pas les 34 km. Cette installation portuaire crée une dynamique économique et une source importante d’emploi dans la région. À l’échelle nationale, la contribution du gouvernorat de Monastir est estimée à 25,14% de la production totale. Cette production est assurée par une flottille très diversifiée. On y trouve des barques côtières motorisées (BCM) des barques côtières non motorisées BCNM, des chalutiers, des senneurs ainsi que des thoniers, dont l’effectif total avoisine les 1000 embarcations. Néanmoins, cette activité subit des pressions importantes qui met en péril la durabilité du secteur, notamment la pêche INN signalée dans la région, les pratiques traditionnelles non règlementaires à l’égard de la pêche de l’athérine ainsi que l’expansion de la pêche de plaisance qui échappe à tout contrôle. Incite les cogestionnaires à adopter une approche participative qui fait intervenir tous les acteurs économiques et sociaux du site, pour aboutir à long terme à une convention de bonnes pratiques des activités la pêche dans l’AMCP kuriat.

 

JAZIRI Sabri

Gestion / conservation


La genèse d’un nouveau mode de gestion des aires protégées tunisiennes (S. Asmi, 2013)

La Tunisie accorde un intérêt particulier aux zones côtières et à leur gestion intégrée vue leur poids économique et écologique appuyé par les engagements pris par la Tunisie dans le cadre du protocole de la convention de Barcelone (1976, amendée en 1995), les accords de Rio, l’agenda 21 de la Méditerranée (1994) et la loi n° 2009-49 du 20 juillet 2009, relative aux aires marines et côtières protégées qui décrit ces aires comme suit: « les espaces désignés par la loi, en vue de protéger les milieux naturels, la flore, la faune, les écosystèmes marins et côtiers présentant un intérêt particulier d’un point de vue naturel, scientifique, instructif, récréatif, ou éducatif ou économiques qui constituent des paysages naturels remarquables devant être préservés. »

C’est ainsi que dans le souci de protection, de réhabilitation et de valorisation des espaces littoraux naturels, qu’un programme national de la protection et de gestion des zones sensibles a été élaboré (CAR/ ASP, 2015).

Dans ce cadre, l’APAL et le CAR/ASP ont pris l’initiative pour l’élaboration d’un plan de gestion relatif à ces régions dans le cadre du projet de MedMPAnet illustrant les différents objectifs et raison de sauvegarder ces zones.

Les raisons de création des AMPs visent principalement la sauvegarde de patrimoine naturel ainsi que culturel. En outre, une telle protection permet de maîtriser la gestion de la zone littorale. Une fois préservées, les communautés benthiques vont se repeupler et se réhabituer (CAR/ASP, 2014).

Une attention particulière a été portée aux îles Kuriat. Ces îles abritent de nombreuses espèces remarquables telles que Caretta caretta, Pinna nobilis, Posidonia oceanica. Les Kuriat jouent le rôle d’un site de nidification, une nurserie vue la présence significative des récifs barrière de posidonie autour de cet archipel. Elles abritent également de nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs. (CAR/ASP, 2014).

La mise en réserve d’une telle richesse naturelle est primordiale. Pour ce faire, il faut immédiatement éliminer toutes les sources de perturbation et de destructions possibles comme la pêche illicite, les engins de pêche aux arts traînants, le mouillage des bateaux, la pollution… D’autre part, il faut développer l’esprit d’écotourisme et encourager les techniques de pêche artisanale tout en impliquant les différentes parties prenantes dans cette stratégie assurant ainsi la gestion durable des ressources naturelles et la préservation du patrimoine biologique et économique (CAR/ASP, 2015).

Depuis, la gestion a pris une ampleur fulgurante à travers l’association Notre Grand Bleu et l’APAL, grâce à des fonds émanant de plusieurs bailleurs qui ont bénéficié aux cogestionnaires, à l’archipel. Ceci a fait de l’archipel un exemple de cogestion réussie sur l’ensemble de la Méditerranée et plus particulièrement en Tunisie. L’assistance technique s’est également intensifiée grâce à l’appui de différentes organisations méditerranéennes et à la mobilisation de scientifiques et de personnes ressources. Le rayonnement de cette gestion en aussi peu de temps est simplement inédit

Tout y est : inventaires, suivi, restauration écologique, sensibilisation, éducation environnementale, création de pépinière de militants écologistes, école de formation sur toutes les thématiques principalement tournée vers la protection de la caouanne et communication… et de nombreuses autres actions « collatérales ».

Si ce mode de gestion persiste, la future aire protégée est vouée à devenir exemplaire sur l’ensemble de la Méditerranée et constituer une locomotive et un exemple à suivre par de nombreuses AMP.

Principales ressources bibliographiques


  1. Limam, A., Ben Haj, S. (2010). Impact des changements climatiques sur la biodiversité en Mer Méditerranée. (CAR/ASP, Ed.). Tunis.

  2. Krakimel, J.-D. (2003). Impact du tourisme sur la biodiversité marine et côtière de la Méditerranée

  3. CAR/ASP, 2014. Projet Régional pour le Développement d’un Réseau Méditerranéen d’Aires Protégées Marines et Côtières (AMP) à travers le renforcement de la Création et de la Gestion d’AMP.1-96

  4. CAR/ASP – PNUE/PAM, 2015. Elaboration d’un Plan de Gestion pour l’Aire Marine et Côtière Protégée des îles Kuriat (Tunisie) – Phase 2 : Gestion de l’AMCP, définition des objectifs et planification des opérations. Par Thetis-Cabinet Sami Ben Haj. Ed. CAR/ASP – Projet MedMPAnet, Tunis : 56 p + annexes.

Tableau récapitulatif des clusters et îles du sous-bassin


NOM DES ILES

ET ILOTS

NOM DE L’ARCHIPEL surface (ha) Altitude max (mètre) Linéaire côtier (mètre) Distance à la côte (mile nautique) Coordonnées géographiques Propriété Iles avec au moins un statut de protection Présence d’un gestionnaire
Latitude Longitude
Ile Kuriat (Grande) Archipel de Kuriat  251.3 4 6900 9.1 35.79694366 11.03305531 publique X  
Ile Kuriat (Petite) 49.6 4000 7.1 35.76750183 11.00833321 publique X