ISSN 2970-2321
ISSN 2970-2321
Rédigé par : Sabri JAZIRI
Date de création : 22 février 2021
Pour citer cette version : JAZIRI, S. (2021). Fiche cluster : Zembra et Zembretta. Atlas of Small Mediterranean Islands. https://pimatlas.org/explorer-atlas/clusters/archipel-de-zembra-et-zembretta/
Composition du cluster : îles | 6 |
Composition du cluster : archipels | 1 |
Nombre d’îles avec au moins un statut de protection national | 6 |
Nombre d’îles avec au moins un statut de protection international | 6 |
Nombre d’îles avec au moins un gestionnaire | 6 |
Ce cluster est constitué par l’archipel de Zembra et Zembretta. Il est situé au nord-est de la Tunisie à l’extrémité orientale du golfe de Tunis et à l’ouest de la pointe du cap bon. Il est formé par 6 îles et îlots. La plus grande île est Zembra, avec 389 ha de superficie et 9 km de linéaire côtier. Aux alentours de Zembra on trouve deux grands rochers, une au nord-ouest Lantorcho, qui fait 0.17 ha et une au sud-ouest la Cathédrale qui couvre 1.47 ha. L’îlot de Zembretta est situé à l’est de Zembra (l’île principale) à une distance de 5 km, elle couvre 2 ha de superficie. Deux îlots de petite taille sont proches de Zembretta, un îlot au nord-ouest (0.1 ha) et un autre à l’ouest (0.33 ha). Plusieurs civilisations ont marqué leur présence dans l’archipel comme le témoignent les fouilles archéologiques (les murs de soutènement, terrassettes décrites par A. Oueslati 1995) allant de la période punique à celle byzantine. Dans les temps modernes, la présence humaine dans l’archipel n’était pas très importante, quelques familles siciliennes se sont installées pour la période d’après-guerre, vivant de l’élevage caprin et de la fabrication de fromage. Dès les années soixante, on assiste à une fréquentation plus importante sur l’île, où un projet touristique vient de voir le jour. Cette activité est de courte durée. Elle a été couronnée par un échec en 1977, et depuis, la marine nationale occupe le site avec la présence d’un gardien de la DGF. En 2018, l’initiative PIM en collaboration avec l’ASPEN ont bénéficié d’un fond CEPF afin d’instaurer un système de cogestion efficace. En 2020 et suite à l’appui financier du Medfund l’association est maintenant cogestionnaire avec l’APAL pour mettre en place les activités décrites dans le plan de gestion telles que, les activités de suivi, de restauration écologique ainsi que la sensibilisation.
A notre connaissance, c’est qu’au début du XIXe siècle que les premières descriptions spécifiques de la flore terrestre sur l’archipel ont commencé. Entre 1884 et 1953, les prospections ont montré la présence d’au moins 230 espèces de végétaux vasculaires (Labbé 1954). La description de la macrofaune benthique dans l’archipel a commencé dès les années 90 par l’Institut National des Sciences et Technologies de la Mer (INSTM). Principalement, les prospections se sont focalisées sur la distribution des herbiers de posidonie, le coralligène ainsi que les éponges. Et dès lors, des missions ponctuelles sont conduites sur l’archipel par les institutions de recherche national qui contribuent à l’amélioration des connaissances de la biodiversité dans l’archipel. Il faut attendre 2007 pour assister à d’autres missions scientifiques sur l’archipel dans le cadre de la coopération internationale appuyée par l’initiative PIM. Lors de cette mission, 152 espèces végétales ont été dénombrées dont certaines sont rares en Tunisie telles que Silene neglecta ou Ranunculus parviflorus. La mission de 2008, s’est focalisée à l’îlot de Zembretta, mentionnant ainsi la disparition du chou Brassica cretica subsp. atlanticus recensé en 1953 et la surabondance de la carotte sauvage Daucus carota avec deux autres espèces nitrophiles ; Ecballium elaterium et Malva et la présence d’une importante colonie de Goélands leucophées (Larus michahellis) sans pour autant oublier la présence d’espèces animales introduites telles que le Rat noir (Rattus rattus) , le chat haret (Felis sp.), le Lapin Garenne (Oryctolagus cuniculus), la Souris grise (Mus musculus) et le Mouflon de Corse (Ovis gmelini musimon) sur l’archipel. Ce qui a incité les gestionnaires du site (la direction des forêts DGF et l’agence de protection et aménagement du littoral APAL) à envisager une campagne de dératisation sur l’îlot Zembretta. Avec l’appui de l’initiative des petites îles de la méditerranée PIM, une campagne de dératisation a été menée sur l’îlot en 2009 suivie par une opération de piégeage en 2010 confirmant ainsi l’absence totale du rat (Rattus rattus) sur Zembretta qui représente une menace pour les oiseaux nicheurs sur l’îlot. En 2010 en coordination avec l’APAL, l’initiative PIM appuie une étude et cartographie des biocénoses marines de l’île de Zembra. La dernière mission scientifique en date est celle du printemps 2019, qui a permis d’identifier 196 taxons et de découvrir 21 nouveaux taxons pour l’île de Zembra et 70 taxons sur l’îlot de Zembretta.
Les connaissances sur la biodiversité sur l’archipel restent insuffisantes et nécessitent un suivi régulier. Ce qui a été cogité par la nouvelle approche de cogestion de l’archipel entre l’association ASPEN et l’APAL, afin de combler les lacunes et assurer une présence régulière sur l’archipel.
Des activités ancestrales ancrées dans les traditions de la population locale
La pêche constitue une activité patrimoniale pour la population locale de la région notamment de Sidi Daoud et El Haouaria, qui exerçait historiquement une pêche côtière artisanale et une pêche au thon rouge moyennant les madragues. Cette dernière activité est délaissée de nos jours.
Un aperçu historique : la pêche au thon rouge
Cette pratique remonte à l’époque des Phéniciens (VII et VIII siècle AV JC). Ce sont les Arabes qui auraient mis au point le système de capture, la madrague ou “almadhraba”, ensuite délaissé en VIIe siècle (Plusquellec, 1956). Mais à partir du XIXe siècle, cette activité a reconnu son essor. Ce sont les Siciliens qui ont développé la pêche à la madrague. En effet on peut fixer aux environs de 1820 les premières exploitations des madragues tunisiennes. Cette exploitation demeura alors pendant plus d’un siècle et demi une industrie purement italienne, pratiquée par des équipages siciliens (Ganiage, 1960). Le 9 novembre 1826, Hussein Pacha bey concédait à un membre de la famille Rafo le droit de pêcher le thon aux abords du cap bon pour une durée de 6 années et moyennant une redevance de 9.000 piastres (5.400 francs). Puis les madragues passèrent à d’autres concessionnaires. La madrague d’El Haouaria installée entre Sidi Daoud et le cap Bon est concédée par l’arrêté du 28 septembre 1906. Elle est calée à la hauteur de l’îlot Zembretta sur le point du cap de même nom. Depuis 1997, suite a la signature par la Tunisie de la convention relative a la conservation des Thonides de l’Atlantique (ICCAT) réglementant ainsi la pêche au thon au niveau des pays du bassin Méditerranéen et de l’Atlantique Nord, la pêche au thon a été abandonnée et régie par une autorisation spécifique qui a exclu la population location l’exploitation de cette ressource.
Les activités touristiques dans la région :
– Le festival de l’épervier :
Dans le village d’El Haouaria, les habitants sont reconnus par les pratiques de dressage des rapaces capturés dans les falaises avoisinantes. Durant ce festival, des démonstrations de chasse par les faucons sont pratiquées. Tous les ans, au mois de juin, se tient à El Haouaria ce festival.
– L’activité touristique dans Zembra :
En 1968 un projet touristique réalisé par la société tunisienne des banques (STB) voit le jour. Qui a été en faveur pour le développement d’un tourisme alternatif. Ces dernières années l’activité de pêche a enregistré une nette régression dans la région de point de vue capture que flottille. Cette régression a été en faveur de l’expansion des pratiques non règlementaire dans la région telle que la pêche illégale et le transporteur de personnes vers l’archipel qui offrent des services de restauration et hébergements. Les campings et le surcroît de la pêche anarchique et de la pêche récréative exercés aussi bien par les locaux que par les plaisanciers ont entraîné des incidences négatives sur l’environnement (surpêche, déchets, braconnage).
D’après l’UICN « L’approche par écosystème est fondée sur l’application de méthodologies scientifiques adéquates et rigoureusement concentrées sur des paliers d’organisation biologique. Ces paliers constituent les principales structures, processus, fonctions et interactions entre les organismes et leur environnement. La particularité de l’approche par écosystème est qu’elle reconnaît que les populations humaines, dans leur diversité culturelle, sont une composante intégrante de nombreux écosystèmes ». Ce qui a été pensé depuis longtemps pour l’archipel. En effet, depuis 1977, Zembra a été décrété comme un parc national marin et terrestre et une réserve de la Biosphère du programme sur l’Homme et la biosphère (MAB) de l’UNESCO. Sauf que certaines activités pratiquées depuis des générations restent inchangées et pratiquées par la population locale qui nécessite un travail de long halène combinant plusieurs approches de sensibilisation, de gouvernance ainsi qu’organisationnelles pour remédier à cette situation.
Plusquellec, P.H.- 1956- les madragues de Tunisie. Pêche maritime, 942 : 385-389
Ganiage, J., 1960 – Une Entreprise italienne de Tunisie au milieu du XIXème siècle, correspondance commerciale de la thonaire de Sidi Daoud. Presses universitaires de France, Paris.
L’archipel de Zembra et Zembretta présente un intérêt considérable pour la protection de la biodiversité marine et terrestre. L’éloignement de la zone côtière a été un bénéfique pour la préservation d’un complexe paysager et naturel d’exception. Plusieurs espèces listées dans les annexes II et/ou III de la convention de Barcelone sont observées à l’archipel. Notamment, l’herbier de Posidonie (Posidonia oceanica) qui est une espèce endémique de la Méditerranée et la cymodocée (Cymodocea nodosa). La macrofaune benthique est très riche dans l’archipel avec plusieurs espèces de gorgones qui peuplent les substrats rocheux tels que Eunicella singularis, Eunicella cavolinii, plusieurs espèces de Bryozoaires sont représentées aussi telles que Myriapora truncata, Pentapora fascialis. Les éponges présentes dans le site couvrent une grande densité, notamment Axinella cannabina, Axinella damicornis, Axinella polypoides, Agelas sp, Petrosia ficiformis, Spongia officinalis, Hippospongia communis, Sarcotragus muscarum, Sarcotragus sp, Ircinia sp, Cacospongia mollior. La grande nacre est aussi présente (Pinna nobilis), les oursins diadèmes (Centrostephanus longispinus), les grandes cigales de mer (Scyllarides latus), les corbs (Sciaena umbra). Les grandes espèces de poissons d’intérêt pour la conservation comme les mérous Epinephelus marginatus, Mycteroperca rubra sont fréquemment rencontrées. Les mammifères marins sont observés aux alentours de l’archipel comme le Grand Dauphin (Tursiops truncatus). La biodiversité végétale est riche aussi, avec un peu plus d’une douzaine d’espèces endémiques. Du point de vue conservation de la biodiversité à l’échelle méditerranéenne, c’est l’avifaune qui constitue le plus d’intérêt. l’archipel constitue la troisième voie de migration la plus importante pour les oiseaux de la méditerranée (MedWetCoast, 2003) et l’archipel de Zembra renferme l’une des plus grandes colonies mondiales de Puffins cendrés (Calonectris diomedea), qui est une espèce vulnérable (annexe II de la convention de Barcelone) avec à peu près 142 000 couples. On trouve aussi le goéland d’Audouin (Larus audouini) et le Cormoran huppé (Phalacrocorax aristelis), les goélands d’Audouin et les cormorans huppés, le faucon pèlerin (Falco peregrinus). Il est important de signaler que depuis l’éradication des rats noirs de Zembretta les effectifs des puffins yelkouan se sont améliorés. L’archipel recèle également de vestiges archéologiques antiques parfois assez bien conservés et d’autres, menacés, notamment par l’érosion marine.
Les pressions exercées sur ce cluster, constitué par l’archipel de Zembra et Zembretta, sont multiples. Le premier facteur qu’on peut citer est la présence des espèces non indigènes à l’archipel introduites volontairement ou non par l’homme. Ces espèces peuvent être une réelle menace pour l’équilibre écosystémique sur l’archipel. On peut citer à titre d’exemple, les dégâts qui peuvent être causés par le lapin de garenne sur les populations végétales entraînant ainsi un appauvrissement des ces communautés tant sur le plan quantitatif que qualitatif (Courchamp et al., 2003). Le rat (Rattus rattus) est un omnivore, qui menace directement les oiseaux nicheurs dans l’archipel. On rappelle qu’après les missions de dératisation sur l’îlot, la population des puffins cendrés est rétablie et elle est maintenant parmi les plus grandes populations en Méditerranée. On ce qui concerne les espèces exotiques marines, on signale la présence de l’algue verte Caulerpa racemosa et Caulerpa taxifolia qui ont un potentiel invasif, également le crabe Percnon gibbesi et la blennie Parablennius pilicornis ont été observés aussi dans l’archipel.
D’autres menaces d’origine anthropique sont présentes sur l’archipel. Notamment, la pêche illicite aux alentours de l’archipel, que ce soit professionnel ou récréatif. Cette activité est conduite moyennant des engins passifs tels que les palangres et/ou les filets maillants ou actifs comme la senne ou le chalut. Les engins délaissés sur le fond rocheux par ces opérations de pêche frauduleuses se transforment en filet fantôme causant la mortalité de plusieurs espèces. Ce qui engendre une détérioration de toute la zone impactée par le filet fantôme. A cela s’ajoute l’effet du mouillage des plaisanciers sur le site causant des dommages assez importants sur les herbiers de Posidonie et sur d’autres habitats sous-marins. Les activités touristiques sur l’île principale qui sont parfois non ou mal encadrées comptent parmi les pressions majeures qui s’exercent sur l’archipel. Les visiteurs peuvent entreprendre des actions de récoltes d’espèces pour des fins d’ornement ou bien de consommation (la collecte de la Patelle ferrugineuse), ou alors ils peuvent, si le contrôle n’est pas en place, entreprendre des activités de pêche en apnée (mérou ou bien d’autres espèces de hautes valeurs commerciales). Pour cela une présence permanente sur l’archipel est nécessaire afin de sensibiliser les gens à l’intérêt de la conservation et maintenir un contrôle permanent pour dissuader les malfaiteurs.
En Tunisie, l’intérêt porté pour l’archipel de Zembra et Zembretta dénommé “les joyeux de la méditerranée” pour la conservation ne date pas d’hier. En effet, en 1973, l’archipel a été classé comme zone intégrale marine sur 1.5 mile marins autour de l’île. Quatre ans plus tard, il est décrété comme un parc national marin et terrestre et une réserve de la Biosphère du programme sur l’Homme et la biosphère (MAB) de l’UNESCO. Ainsi, l’archipel de Zembra et Zembretta est le plus ancien Parc national en Tunisie (1975) géré depuis par la Direction Générale des Forêts et le premier ayant à la fois un statut national qu’international. En 2001, l’archipel est déclaré « Aire Spécialement Protégée d’Importance Méditerranéenne » ASPIM et une « zone importante pour la conservation des oiseaux » ou ZICO par BirdLife international. Dictant ainsi son importance à l’échelle méditerranéenne et mondiale pour la conservation des oiseaux sauvages.
La gestion de l’archipel proprement dit reste tributaire du cadre juridique. La loi 49-2009, pour la création et la gestion des AMCP tunisiennes se fait attendre plusieurs années. En mai 2014, les lois et décrets d’application sont promulgués instaurant ainsi un cadre réglementaire pour la gestion des AMCPs à travers l’Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral (APAL). Mis à part les missions scientifiques sur l’archipel, appuyées par l’initiative PIM, les actions de conservation de la diversité biologique se font rares. En 2020 une approche de cogestion entre l’APAL et l’association ASPEN voit le jour pour la mise en place des actions établie dans le plan de gestion de 2018. Cette cogestion avec l’appui du Medfund donne une autonomie de fonctionnement pour l’ASPEN afin de mettre en place les actions de gestion concrète notamment la sensibilisation, les actions de restauration, la valorisation du patrimoine culturel et la réhabilitation des habitats et des espèces endémiques.
Tableau récapitulatif des clusters et îles du sous-bassin
NOM DES ILES ET ILOTS | NOM DE L’ARCHIPEL | surface (ha) | Altitude max (mètre) | Linéaire côtier (mètre) | Distance à la côte (mile nautique) | Coordonnées géographiques | Propriété | Iles avec au moins un statut de protection | Présence d’un gestionnaire | |
Latitude | Longitude | |||||||||
Zembra | Archipel de Zembra et Zembretta |
389 | 433 | 9000 | 6 | 37.1277771 | 10.80611134 | publique | X | X |
Lantrocho | 0.17 | – | 200 | 7 | 37.14083481 | 10.7952776 | publique | X | X | |
Cathédrale | 1.47 | – | 500 | 7 | 37.118476 | 10.789747 | publique | X | X | |
Zembretta | 2 | 53 | 1290 | 4 | 37.106588 | 10.87436 | publique | X | X | |
Ilot ouest de Zembretta | 0.33 | 220 | 3 | 37.106448 | 10.870443 | publique | X | X | ||
Ilot nord-ouest de Zembretta | 0.1 | – | 100 | 3 | 37.108162 | 10.872806 | publique | X | X |